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s’aperçoivent de rien ; il continue de marcher, le reste de l’armée le suit, à mesure qu’on franchit les hauteurs, jusqu’aux villages situés dans les vallons et les enfoncements des montagnes.

Les Carduques abandonnent alors leurs habitations, emmènent leurs femmes et leurs enfants, et s’enfuient vers les montagnes. On trouve des vivres en abondance. Les ma ; sons étaient pourvues de beaucoup d’ustensiles d’airain. Les Grecs n’enlèvent rien et ne poursuivent pas les habitants, dans l’espoir que, si on les ménageait, les Carduques consentiraient peut-être à les laisser passer comme à travers un pays ami, vu qu’ils étaient ennemis du roi.

Quant aux vivres, on prit tout ce qu’on trouva : il y avait urgence. Cependant les Carduques n’écoutent pas qui les appelle et ne montrent aucune disposition pacifique. Ainsi, quand l’arrière-garde des Grecs, à la nuit déjà close, descend des hauteurs dans les villages (or, le chemin étant fort étroit, la montée et la descente dans les villages avaient occupé tout le jour), plusieurs Carduques se réunissent, tombent sur les traînards, en tuent quelques-uns et en blessent d’autres à coups de pierres et de flèches : ils étaient peu nombreux, les Grecs étant entrés chez eux à l’improviste, sans quoi, s’ils eussent été en force, une grande partie de l’armée eût couru risque d’être taillée en pièces. On cantonne donc ainsi la nuit dans les villages. Les Carduques allument des feux tout autour sur les montagnes, et l’on s’observe des deux côtés.

Au point du jour, les stratèges et les lochages des Grecs se réunissent et décident de ne garder des bêtes de somme que celles qui sont indispensables, d’abandonner le reste et de rendre la liberté à tous les prisonniers faits récemment et retenus esclaves à l’armée. La marche était retardée par la quantité excessive de bêtes de somme et de prisonniers ; nombre de soldats, chargés d’y veiller, devenaient inutiles au combat ; d’ailleurs il fallait traîner et porter le double de vivres pour tant de monde ; la résolution est prise ; les hérauts la proclament. Après le dîner, l’armée se met en marche. Les stratèges, faisant halte à un défilé, ôtent ce qu’ils trouvent de trop à ceux qui ne se sont pas soumis à l’ordre : tous obéissent, sauf quelques-uns qui passent en fraude quelque joli garçon, ou quelque jolie femme dont ils sont épris. On marche ainsi le reste du jour, tantôt combattant, tantôt se reposant. Le lendemain, il