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venant à s’écarter, il se fait un vide au centre, ce qui décourage le soldat qui sent l’ennemi derrière lui. Quand il fallait passer un pont ou opérer quelque autre passage, chacun se hâtait ; on voulait traverser le premier : aussi les ennemis avaient-ils alors une belle occasion de charger. Cet inconvénient reconnu, les stratéges forment six loches de cent hommes chacun[1], et nomment pour les commander des lochages, des pentécontarques et des énomotarques. Dans la marche, quand les ailes se rapprochaient, les lochages demeuraient en arrière pourne pas gêner les ailes, puis ils remontaient, en suivant les flancs du bataillon. Lorsque, au contraire, les flancs s’écartaient, le vide se remplissait, s’il était peu considérable, par les loches ; s’il était plus large, par les pentécosties ; s’il était tout à fait étendu, par les énomoties ; de la sorte, le milieu était toujours plein. S’il fallait traverser un passage, un pont, il n’y avait point de désordre : les lochages passaient les uns après les autres, et, dès qu’il fallait se former en phalange, tout le monde était à son rang. On fit quatre marches de cette manière.

Le cinquième jour, pendant la marche, on aperçoit une espèce de palais, et autour de ce palais de nombreux villages. Le chemin, pour y arriver, passait par des collines élevées se rattachant à une montagne, au pied de laquelle était un village. Les Grecs, comme de raison, aperçoivent ces collines avec plaisir, puisque leurs ennemis étaient des cavaliers. Lorsque, au sortir de la plaine, ils ont gravi la première colline et qu’ils redescendent pour gravir la seconde, les Barbares surviennent, et dardant leurs traits d’un point élevé, ils lancent leurs pierres et leurs flèches sous une volée de coups de fouet. Ils blessent ainsi beaucoup de Grecs, vainquent les troupes légères, les refoulent sur les hoplites, et rendent complétement inutiles pour ce jour-là les frondeurs et les archers, qui demeurent avec les équipages.

Cependant les Grecs, incommodés de ces attaques, essayent de charger ; mais ils ont de la peine à gravir la hauteur avec leurs armes pesantes : les ennemis font prompte retraite ; les Grecs éprouvent autant de peine à rejoindre le corps d’armée. À la seconde colline, même difficulté ; à la troisième, ils décident de ne plus détacher d’hoplites ; mais ils ouvrent le flanc droit du bataillon carré et en font sortir les peltastes, qui se

  1. Je lis ἑκατόν, cent, au lieu de ἕξ, six, que donnent quelques éditeurs.