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seaux et de leurs cargaisons. Grâce à ces distinctions, ce ne serait pas seulement pour le profit, mais pour l’honneur, qu’ils se hâteraient de visiter des amis. Et alors, plus il irait et viendrait d’étrangers, plus il y aurait évidemment d’importation et d’exportation, d’achats, de ventes, de salaires et de tributs. Or, cette augmentation de revenu n’entraînerait aucune dépense ; elle demanderait quelques décrets philanthropiques, et de la bienveillance.

Quant aux autres moyens d’accroître le revenu, je crois qu’il faudra d’abord faire des avances ; mais j’ai bon espoir que tous les citoyens s’empresseront d’y contribuer, quand je songe aux nombreux sacrifices que la république a faits pour aller défendre les Arcadiens, sous la conduite de Lysistrate, et à ceux qu’elle s’est imposés de nouveau sous celle d’Hégésilas[1]. Je vois également qu’on a souvent équipé des trirèmes à grands frais, et cela, sans savoir si l’entreprise serait bonne ou mauvaise ; avec la certitude, au contraire, de ne jamais rentrer dans les frais de contribution, ni d’avoir part aux intérêts ; tandis qu’on ne saurait trouver d’opération plus belle que celle qui donne un rapport proportionnel aux avances. En effet, celui qui ferait une avance de dix mines[2] toucherait, suivant le taux affecté à la marine, un cinquième environ d’intérêt, c’est-à-dire un triobole par jour[3], et, pour une avance de cinq mines[4], un peu plus d’un tiers[5]. Bon nombre même d’Athéniens recevront plus par an qu’ils n’auront avancé. Car ceux qui auront fourni une mine en retireront presque deux de revenu, et cela sans sortir de la ville, espèce de revenu le plus sûr et le plus durable qui soit ici-bas.

Je crois encore que, si nous voulions enregistrer pour la postérité les noms de nos bienfaiteurs, beaucoup d’étrangers nous offriraient leur contribution, et des villes peut-être, jalouses de se voir inscrites. J’espère même que des rois, des tyrans, des satrapes, s’empresseraient d’avoir part à notre reconnaissance.

Les fonds une fois faits, il serait beau et honorable de faire bâtir pour les pilotes quelques hôtelleries le long des ports, outre celles qui existent déjà[6] ; et il ne serait pas mal non plus

  1. Il règne de grandes incertitudes sur les événements auxquels cette phrase fait allusion. Voy. la dissertation de Weiske, qui sert de préface au traité des Revenus, dans son édition de Xénophon, t. VI, p. 91 et 92.
  2. Près de 4 000 francs.
  3. Près de 4 franc,
  4. Près de 500 francs.
  5. Environ 65 centimes.
  6. « La place du Pirée, qu’on nommait le Deigma, était la Bourse la plus fréquentée de la Grèce, plus fréquentée que celle de Corinthe même. On y voyait aborder toutes les nations répandues sur les côtes de la Méditerranée et du Pont-Euxin, depuis Marseille jusqu’à Carthage, et depuis Carthage jusqu’à Trézibonde. Aucune espèce d’édifices publics n’était plus multipliée dans ce port que les galeries environnées de colonnades, que l’on nommait alors Stoa, et que l’on nomme maintenant des Portiques. » DE PAUW, t. I, p. 74.