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ment, on trouvera beaucoup de systèmes ; mais, quant à maintenir la démocratie, et cela de manière à ce qu’il y ait amélioration dans le gouvernement, ce n’est pas chose facile, à moins, comme je viens de le dire, qu’on n’ajoute ou qu’on ne retranche peu à peu.

Les Athéniens paraissent manquer de politique, en se rangeant du mauvais parti dans les villes en révolution ; mais ils le font par calcul. S’ils se prononçaient pour la bonne cause, ils ne se prononceraient pas pour ceux de leur opinion. En effet, il n’y a pas une seule ville où l’aristocratie soit bien disposée pour le peuple ; c’est la vile multitude qui, dans chaque ville, est bien plus disposée pour le peuple, vu que les semblables sympathisent avec les semblables. Voilà pourquoi les Athéniens préfèrent ce qui leur agrée. Toutes les fois qu’ils ont voulu se prononcer pour l’aristocratie, ce choix ne leur a pas réussi ; mais en peu de temps le peuple est devenu esclave : témoin la Béotie ; témoin Milet. À peine s’y furent-ils prononcés pour l’aristocratie qu’avant peu de temps il y eut défection et méfiance du peuple. Enfin, quand ils se furent prononcés pour les Lacédémoniens contre les Messéniens, avant peu de temps les Lacédémoniens, vainqueurs de la Messénie, firent la guerre aux Athéniens[1].

Mais, dira-t-on peut-être, n’y a-t-il donc personne qui ait été injustement flétri à Athènes ? À cela je réponds qu’il y en a quelques-uns qui ont été injustement flétris ; mais c’est seulement une faible minorité. Or, une minorité n’est pas en état de rien entreprendre contre la démocratie d’Athènes, d’autant plus qu’on ne peut pas songer à cela quand l’on a été justement frappé ; il faut être victime d’une injustice. Or, comment croire qu’il y ait beaucoup de victimes de l’injustice à Athènes, où le peuple exerce les pouvoirs publics, et où c’est précisément l’abus du pouvoir, l’injustice en parole ou en action, qui attirent la flétrissure ? Ainsi, en y réfléchissant, on voit qu’à Athènes on n’a rien à craindre des flétris[2].



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  1. Les commentateurs ne savent pas à quels événements précis font allusion ces reproches de Xénophon.
  2. Dernier trait d’ironie, plein de fierté et de dédain.