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seulement les magistrats, mais tous ceux qui prennent soin des jeunes gens, attentifs à prévenir en eux toute action lâche, qui les exposerait au mépris de tous leurs concitoyens.

En outre, voulant imprimer fortement la modestie dans les cœurs, il a ordonné qu’on marchât dans les rues les mains sous la robe, en silence, sans tourner la tête, les yeux devant les pieds[1]. En cela il a fait comprendre qu’en fait de modestie l’homme a encore plus de fermeté que la femme. Aussi l’on n’entend pas plus la voix des jeunes gens, que s’ils étaient de pierre ; ils ne détournent pas plus les yeux que des statues d’airain ; et ils ont plus de pudeur qu’il n’en règne dans les appartements les plus inaccessibles des vierges[2] ; puis, quand ils arrivent au repas commun, ils ont pour habitude d’attendre, en écoutant, qu’on les interroge. Tels sont les soins que Lycurgue a donnés à la jeunesse.



CHAPITRE IV.


Éducation des hommes faits.


Mais il s’est occupé surtout avec attention de ceux qui sont à la fleur de l’âge, persuadé qu’en étant ce qu’ils doivent être, ils rendent à la république les plus grands services.

Voyant donc que, quand l’émulation s’en mêler les chœurs sont entendus avec plus de plaisir, les combats gymniques regardés avec plus d’intérêt, il a pensé que, s’il existait aussi parmi les adolescents une concurrence de vertu, il les rendrait capables au dernier point d’arriver à la perfection. Je vais dire comment il les a mis aux prises. Les éphores choisissent parmi

  1. Cf. Aristophane, Nuées, trad. de M. Artaud, p. 435, 436 et 437 de la deuxième édition.
  2. De Pauw se fonde sur ce passage, vivement critiqué par Longin, pour contester l’authenticité du traité de Xénophon ; mais Fr. Haase, dans sa préface, établit celle authenticité par des preuves qui nous semblent irrécusables. Voy., pour les éléments de cette discussion, de Pauw, Recherches philosoph. sur les Grecs, t. II, p. 344 ; Longin, Traité du Sublime, p. 151 de la trad. de Louis Vaucher, et la préface de Fr. Haase, p. 2 et suivantes. D’un autre côté, les éditeurs les plus récents de Longin s’étant accordés à lire dans la phrase critiquée θαλάμοις au lieu d’ὀφθαλμοῖς, la condamnation prononcée par l’auteur du Traité du sublime demeure sans effet.