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promet le commandement. Il espérait par cette expédition s’acquitter envers l’Égypte des services rendus à Lacédémone, remettre en liberté les Grecs d’Asie, et se venger du Perse, qui, outre d’anciens griefs, venait récemment, en se disant allié de Sparte, de l’obliger à abandonner Messène. Cependant le roi, qui avait fait venir Agésilas, ne lui donne pas le commandement. Celui-ci, tout à fait désappointé, réfléchit à ce qu’il doit faire. Sur ce point, quelques soldats de l’armée égyptienne se révoltent contre le roi, bientôt leur exemple entraîne tous les autres ; le roi effrayé s’enfuit à Sidon de Phénicie : les Égyptiens divisés élisent deux rois. Agésilas voit bien que, s’il reste neutre, ni l’un ni l’autre de ces rois ne payera les Grecs, ni l’un ni l’autre ne leur donnera de vivres, que celui des deux qui l’emportera, deviendra un ennemi, tandis qu’en s’attachant à l’un d’eux, celui-là du moins, pour prix de ce service, deviendra sans doute son ami. Il se joint donc à celui des deux qu’il juge le mieux disposé pour les Grecs, marche avec lui contre l’ennemi des Grecs, le défait, le prend et maintient l’autre ; puis, après avoir assuré à Lacédémone un ami, dont il tire de fortes sommes, il s’embarque pour son pays, quoique au cœur de l’hiver, et fait diligence, afin que sa ville n’hésite pas à se tenir prête contre l’ennemi, au retour du printemps.



CHAPITRE III.


Vertus d’Agésilas ; sa piété, sa justice, sa continence, son courage, sa sagesse.


Jusqu’ici nous avons raconté les actions qu’Agésilas a faites devant de nombreux témoins : de tels actes n’ont pas besoin de preuves ; il suffit de les raconter, et aussitôt on les croit. Maintenant j’essayerai de montrer les vertus essentielles de son âme, mobile de toutes ses actions, source de son amour pour le bien et de sa haine pour le mal. Agésilas avait un si grand respect de la Divinité que les ennemis regardaient ses serments et ses armistices comme plus sûrs que leur amitié mutuelle[1]

  1. C. Heiland signale ici une lacune d’environ une ligne dans le manuscrit de Wolfenbuttel, le plus autorisé de tous. Schneider a proposé d’y suppléer par un commencement de phrase, dont voici le sens : « Ceux qui, après avoir essayé d’un accommodement, craignaient, etc. »