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seconds, mais les chefs des chefs. Un commun éloge doit unir la patrie d’Agésilas avec sa famille : car si sa ville natale, éloignée de tout sentiment jaloux de la souveraine autorité de ses rois, n’entreprit jamais de les en dépouiller, ces rois, à leur tour, n’aspirèrent jamais à une royauté plus étendue que leur premier pouvoir. Aussi, tandis qu’on n’a vu nulle autre part aucun gouvernement, démocratie, oligarchie, tyrannie ou royauté, subsister sans interruption, chez eux la royauté est restée permanente.

Ce n’est pas tout : Agésilas fut jugé digne du pouvoir avant de commander, et en voici la preuve. Après la mort du roi Agis, des prétentions au pouvoir s’étant élevées entre Léotychide, fils d’Agis, et Agésilas, fils d’Archidamus[1], les citoyens décidèrent que l’héritier le plus méritant était Agésilas, en raison de sa naissance et de sa vertu, et on le choisit pour roi[2]. Quand on voit le choix d’une république puissante, dont les premiers citoyens jugent un homme digne de la plus haute fonction, quel témoignage faut-il encore pour prouver que sa vertu le rendait digne du pouvoir avant de l’exercer ?

Passons maintenant à ce qu’il fit pendant son règne : en voici le récit. Ses actes, à mon avis, mettront son caractère dans le jour le plus vif. Agésilas, disons-nous, fut élu roi tout jeune encore. Il venait d’entrer en fonctions, quand on annonce que je roi de Perse réunit une nombreuse armée de mer et de terre contre les Grecs. Une délibération s’étant ouverte entre les Lacédémoniens et leurs alliés, Agésilas promet que, si on lui donne trois cents Spartiates, deux mille Néodamodes[3], et un bataillon d’à peu près six mille alliés, il passera en Asie, contraindra le Barbare à faire la paix, ou, s’il veut absolument la guerre, lui donnera assez d’occupation pour ne point marcher contre les Grecs. Tout le monde est enchanté du désir exprimé d’attaquer chez lui le Perse qui, jusque-là, était passé en Grèce, de le provoquer sur son territoire au lieu de l’attendre pour le combattre, de songer à vivre de son bien plutôt qu’à défendre seulement celui des Grecs ; enfin l’on regarde comme un fait des plus glorieux de lutter non plus en faveur de la Grèce, mais pour l’empire de l’Asie. Agésilas réunit ses troupes[4]

  1. Voy. Hist. gr. t III, III. — Cf. Plutarque, Agésil., III, et Cornelius Nepos, Agés., I.
  2. Il avait alors quarante-trois ans.
  3. Ceux des Hilotes qui avaient été rendus à la liberté
  4. À la ville de Géreste.