Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/434

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bliez pas ma dernière parole : c’est en faisant du bien à vos amis que vous serez en état de faire du mal à vos ennemis. Adieu, mes enfants chéris ; portez mes adieux à votre mère ; vous tous, mes amis, présents ou absents, adieu. » En disant ces mots, il serre la main de tous les assistants, se voile et expire[1].


CHAPITRE VIII[2].


Conclusion. — Les Perses ont dégénéré pour s’être écartés des institutions de Cyrus.


Que le royaume de Cyrus ait été le plus beau et le plus grand de ceux de l’Asie, c’est un fait qui se prouve par la vue même de ce royaume. Il était borné à l’orient par la mer Érythrée ; du côté de l’Ourse, par le Pont-Euxin ; au couchant, par l’île de Cypre et l’Égypte ; au midi, par l’Éthiopie. Cette vaste étendue était gouvernée par la seule volonté de Cyrus : il aimait et traitait ses sujets comme ses enfants, et ses sujets honoraient Cyrus comme un père. Mais dès que Cyrus ne fut plus, aussitôt le désordre divisa ses enfants ; des villes, des nations se détachèrent de son empire, tout dégénéra ; et, pour prouver que je dis vrai, je vais commencer par les faits religieux.

Je vois que jadis, quand le roi ou les siens avaient fait un serment, même à des gens qui avaient commis un grand crime, ils le tenaient : quand ils leur avaient offert la main, ils restaient fidèles. S’ils n’avaient pas été ainsi, et s’ils n’avaient pas eu cette réputation, on n’eût pas eu en eux plus de confiance qu’on n’en a aujourd’hui que leur mauvaise foi est connue, et les chefs de ceux qui sont montés en Asie avec Cyrus s’en seraient défiés. De nos jours, ces chefs, trompés par l’ancien bruit de la bonne foi des Perses, se sont livrés entre leurs mains, et, conduits devant le roi, ont eu la tête tranchée : bon nombre de Barbares de la même expédition, trompés évidemment par di-

  1. Ce récit contredit les traditions d’Hérodote et de Diodore de Sicile relatives à la mort violente de Cyrus ; mais ce n’est là que la dernière, et non la première contradiction que nous offre la Cyropédie.
  2. Le savant Dav. Schulz a essayé d’établir, par des argumente d’une certaine force, que cette conclusion n’est pas de Xénophon. Cette opinion a été réfutée par A. Bornemann.