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et périt avec lui, craignez du moins les dieux, qui sont toujours, qui voient tout et qui peuvent tout : ce sont eux qui entretiennent dans l’univers cet ordre immuable, inaltérable, invariable, dont la magnificence et la majesté sont au-dessus de toute expression : craignez-les, et ne faites jamais une action, n’ayez jamais une pensée qui blesse la piété ou la justice. Après les dieux, craignez les hommes et les générations à venir. Comme les dieux ne vous ont pas cachés dans l’obscurité, nécessairement toutes vos actions seront vues : si elles sont pures et conformes à la justice, elles affermiront votre autorité ; mais si vous songez réciproquement à vous nuire, vous perdrez toute confiance dans l’esprit des autres hommes. En effet, avec la meilleure volonté, personne ne pourrait se fier à vous, si l’on vous voyait injustes envers celui que vous devez le plus aimer.

« Mes instructions peuvent vous suffire à vivre l’un avec l’autre comme vous le devez ; autrement, consultez l’histoire du passé : c’est une excellente école. Là, vous verrez des pères aimés de leurs enfants et des frères aimés de leurs frères ; vous enverrez aussi d’autres, qui ont suivi une voie tout opposée. Parmi ces hommes, choisissez pour modèles ceux qui se sont le mieux trouvés de leur conduite, et vous ferez sagement. Mais il me semble qu’en voilà bien assez. Mon corps, mes enfants, quand je ne serai plus, ne l’ensevelissez ni dans l’or, ni dans l’argent, ni dans quelque autre matière ; rendez-le à la terre, au plus vite. Quel plus grand bonheur, en effet, que d’être mêlé à cette terre qui produit et nourrit tout ce qu’il y a de beau, tout ce qu’il y a de bon ? Pour moi, j’ai toujours été tellement l’ami des hommes, que je me sentirai heureux de faire partie de la bienfaitrice des hommes. Mais il me semble que mon âme m’abandonne ; je le sens aux indices qui indiquent à tous les êtres leur dissolution.

« Si quelqu’un de vous veut toucher ma main et considérer mon regard vivant encore, qu’il s’avance ; mais quand je me serai voilé, je vous en prie, mes enfants, que pas un homme ne voie mon corps, pas même vous. Seulement, appelez tous les Perses et les alliés autour de mon tombeau, pour me féliciter de ce que je serai désormais en sûreté, à l’abri de toute impression mauvaise, soit que j’existe au sein de la Divinité, ou que je ne sois plus rien. Que tous ceux qui viendront soient congédiés par vous après avoir reçu les dons qu’on a coutume de distribuer aux funérailles d’un homme heureux. Enfin n’ou-