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est chaud, les trois mois du printemps à Suse, et les deux mois de l’été à Ecbatane : ce qui a fait dire qu’il passait sa vie au milieu de la chaleur et de la fraîcheur du printemps.

Il inspirait un tel attachement, qu’il n’était point de nation qui n’eût cru se manquer à elle-même, si elle avait négligé de lui offrir ses meilleures productions, fruits, animaux, ouvrages de l’art : chaque ville en faisait autant, et chaque particulier s’estimait riche, quand il avait pu lui faire un présent. En effet, Cyrus, après en avoir reçu des choses qu’ils avaient en abondance, leur donnait en échange celles qu’il savait leur manquer.


CHAPITRE VII.


Un songe avertit Cyrus de se préparer à mourir. — Discours de Cyrus mourant, à ses enfants et à ses amis. — Mort de Cyrus.


Ainsi vécut Cyrus. Devenu vieux, il fit en Perse son septième voyage depuis l’établissement de son empire. Son père et sa mère, on le comprend, étaient morts depuis longues années. À son arrivée, Cyrus offre les sacrifices accoutumés, commence la danse en l’honneur des dieux, suivant l’usage des Perses, et fait à tout le peuple les largesses habituelles ; après quoi, s’étant retiré dans son palais, il s’y endort et a un songe. Il croit voir un personnage dont l’air majestueux n’est point d’un mortel, qui lui dit : « Prépare-toi, Cyrus, tu vas bientôt aller vers les dieux. » À la vue de ce songe, il s’éveille, et juge que la fin de sa vie est proche. Il choisit alors des victimes, et, selon le rit perse, il va sacrifier sur les montagnes à Jupiter national, au soleil et aux autres divinités, en leur adressant cette prière : « Jupiter national, soleil, et vous, dieux immortels, recevez ce sacrifice et ces actions de grâces qui terminent ma glorieuse carrière. Je vous remercie des avis que vous m’avez donnés, par les entrailles des victimes, les signes célestes, les augures, les voix, sur ce que j’avais à faire ou à éviter ; mais je vous ai surtout une grande reconnaissance de ce que je n’ai jamais méconnu votre appui, ni oublié jamais, dans mes prospérités, que j’étais homme. Je vous prie d’accorder dès à présent à mes enfants, à ma femme, à mes amis, à ma patrie, des jours heureux, et à moi une fin digne de ma vie. »