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forte raison croyait-il qu’il est d’une bien plus grande conséquence d’avoir à la guerre cette même attention pour la place des différents corps, par la raison que, plus les occasions d’agir dépendent du moment précis, plus les fautes sont graves, quand on ne sait pas le saisir. Il savait qu’à la guerre les grands succès sont le fruit de la promptitude à profiter du bon moment. Voilà pourquoi il apportait tant de soin à ces dispositions.

Chaque fois qu’il campait, on tendait d’abord son pavillon au milieu du camp, comme le lieu le moins exposé à l’insulte. Autour de sa tente étaient, suivant sa pratique ordinaire, ses amis les plus affidés ; immédiatement après eux, les cavaliers formaient un cercle avec les conducteurs des chars, qu’il croyait devoir placer dans l’endroit le plus sûr, parce que, ne pouvant avoir leurs armes sous la main, il leur fallait du temps pour se mettre en état de défense. Les peltastes avaient leurs quartiers à la droite et à la gauche tant de sa tente que de la cavalerie ; les archers, partie à la tête, partie à la queue des cavaliers. Les hoplites et ceux qui portent de grands boucliers formaient autour du camp une enceinte semblable à une forte muraille, pour soutenir, au besoin, les cavaliers et leur donner le temps de s’armer en toute sûreté. Les hoplites, ainsi que les peltastes et les archers, reposaient dans les rangs ; ce qui, d’une part, permettait aux hoplites de repousser les ennemis, s’ils cherchaient à surprendre le camp la nuit, et de l’autre, aux gens de trait, de défendre les hoplites, en lançant leurs flèches et leurs javelots contre ceux qui s’approchaient.

Les tentes des chefs étaient distinguées chacune par une enseigne particulière ; et de même que les serviteurs intelligents connaissent dans une ville les maisons de plusieurs citoyens, surtout des notables, de même dans le camp les serviteurs de Cyrus connaissaient tellement les tentes et les enseignes des principaux officiers, que, s’il avait besoin de quelqu’un, ils ne cherchaient point, ils couraient par le chemin le plus court. Comme chaque nation avait son quartier à part, on remarquait aisément où la discipline s’observait, et où l’on ne faisait pas ce qui avait été prescrit. Cyrus pensait qu’avec ces dispositions, Si l’ennemi insultait son camp, de nuit ou de jour, il y tomberait comme dans une embuscade.

Il ne croyait pas que la tactique consiste à savoir ranger une phalange sur un front plus ou moins étendu, à la former en ligne, quand elle est en colonne, à changer l’ordre de bataille, suivant que l’ennemi se montre à droite, à gauche ou