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il leur dit qu’il veut aller visiter avec eux les enceintes consacrés aux dieux et leur offrir des sacrifices. « Soyez demain, dit-il, à mes portes, avant le lever du soleil, revêtus de ces robes, et rangez-vous dans l’ordre que vous prescrira de ma part le Perse Phéraulas. Ensuite je marcherai à votre tête, et vous me suivrez à l’endroit indiqué. Si quelqu’un imagine une marche plus pompeuse, il me communiquera ses idées à mon retour ; car il faut que tout soit réglé de la manière qui vous paraîtra la plus digne et la plus noble. » Après avoir distribué aux principaux chefs les plus belles robes, il fait apporter un grand nombre d’autres robes médiques, de toute espèce, n’épargnant ni les robes de pourpre, ni les brunes, ni les rouges, ni les foncées ; puis, les partageant entre tous les capitaines, il leur dit d’en parer leurs amis : « Comme je viens, ajoute-t-il, de vous en parer moi-même. — Et toi, Cyrus, dit un de ceux qui étaient présents, quand te pareras-tu ? — Mais, répond-il, ne vous semblé-je pas assez paré de votre parure ? Certes, si je puis vous faire du bien, à vous qui êtes mes amis, de quelque habit que je me revête, je paraîtrai toujours beau. » Les chefs se retirent, mandent leurs amis, et leur distribuent les robes dont ils doivent s’orner.

Cyrus avait reconnu dans le plébéien Phéraulas un homme intelligent, ami du beau et de l’ordre, et jaloux de lui plaire ; c’était ce même Perse qui avait appuyé l’avis de régler les récompenses d’après le mérite. Cyrus le mande, le consulte sur ce qu’il faut faire pour que la marche soit à la fois un spectacle agréable pour les gens bien intentionnés et redoutable aux malveillants. Dès que tous deux sont tombés d’accord sur les moyens, il le charge de veiller le lendemain à l’exécution de ce qu’ils viennent d’arrêter : « J’ai ordonné, dit Cyrus, que tout le monde t’obéît pour l’ordre de la marche ; mais, afin qu’on t’obéisse plus volontiers, prends ces tuniques et porte-les aux chefs des doryphores ; prends ces housses pour les donner aux chefs des cavaliers, et ces autres tuniques pour les conducteurs de chars. » Phéraulas part, emportant ces présents. Les chefs, en le voyant, lui disent : « Te voilà grand, Phéraulas, puisque c’est de toi que nous allons apprendre ce qu’il faut faire ! — Ah ! par Jupiter, dit Phéraulas, pas si grand que tu crois, puisque me voilà devenu skeuophore ; je porte donc en ce moment ces deux housses : celle-ci pour toi, celle-là pour un autre ; prends celle que tu voudras. » La jalousie du donataire ne peut tenir contre la housse ; il finit par demander avis à