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murs de la ville, appelle Gobryas et Gadatas, et leur demande s’il y a un autre chemin qui ne conduit pas aussi près des murs. Gobryas répond : « Il y a, maître, plusieurs chemins ; mais je croyais que tu préférerais passer le plus près possible de la ville, afin de montrer à l’ennemi le nombre et la belle ordonnance de ton armée. Quand tu avais jadis beaucoup moins de soldats, tu t’es approché des murailles, et l’on a vu que nous n’étions pas nombreux : aujourd’hui, quels que soient les préparatifs que l’Assyrien a faits, car il t’a annoncé qu’il allait tout préparer pour te combattre, je suis sûr qu’en voyant ton armée il se croira à son tour mal préparé. »

Cyrus lui répond : « Tu m’as l’air, Gobryas, d’être étonné que, dans le temps où je suis venu ici avec des troupes moins considérables, je les aie conduites jusque sous les murs mêmes, et que maintenant, ayant une force plus considérable, je ne veuille plus les conduire sous les murs : cesse de t’étonner ; car il y a une différence entre une armée en bataille ou en marche. En bataille, on suit l’ordre le plus propre à assurer l’issue du combat ; en marche, on doit, si l’on est prudent, songer plutôt à la sûreté qu’à la rapidité. Il faut surveiller les chariots développés sur un grand espace, et protéger le reste des bagages : tout cela doit être couvert par des gens armés, et les bagages ne doivent jamais paraître dégarnis d’armes aux yeux des ennemis ; mais une marche ainsi ordonnée étend et affaiblit la ligne des troupes. Si quelques bataillons serrés sortent d’une place fortifiée, de quelque côté qu’ils engagent leur attaque, ils auront de beaucoup l’avantage sur l’armée en marche. Quand on marche en colonne, on ne peut sans beaucoup de temps transporter de secours à l’endroit attaqué, au lieu que ceux qui sortent d’une place peuvent en un instant accourir au secours et rentrer aussitôt. Si donc nous nous contentons d’approcher à la distance nécessaire, et si nous restons développés ainsi, ils verront notre nombre, mais toute la suite armée qui nous couvre leur paraîtra imposante. S’ils sortent pour nous entourer par quelque côté, en les voyant venir de loin nous ne serons pas pris au dépourvu. Mais plutôt, mes amis, ils ne l’essayeront pas, car il faudrait s’éloigner à distance de leurs murs, à moins qu’ils ne s’imaginent que leurs forces réunies sont supérieures aux nôtres : seulement la retraite est dangereuse. » Quand Cyrus a fini de parler, tous ceux qui sont présents approuvent la justesse, de son langage, et Gobryas conduit l’armée suivant l’ordre prescrit. Tout le temps qu’elle défile en