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une plus utile occasion de mettre ces leçons en pratique ? Je n’en vois pas. »

Ainsi parle Cyrus. Hystaspe, guerrier perse, un des homotimes, lui répond : « Il serait étrange, Cyrus, qu’à la chasse, nous eussions le courage de supporter la faim, pour prendre un chétif animal, qui n’est que de médiocre valeur, et que, quand nous sommes sur la piste du bonheur parfait, le moindre obstacle qui commande à des lâches, mais qui cède à des braves, nous fît négliger nos devoirs. » Ainsi parle Hystaspe. Tous les autres applaudissent avec lui aux paroles de Cyrus. Il répond : « Eh bien, puisque nous sommes tous du même avis, envoyez par chaque loche cinq hommes des plus intelligents. Ils parcourront le camp, et tous ceux qu’ils verront occupés à nous procurer le nécessaire, ils les féliciteront, tandis que les négligents, ils les châtieront, sans y rien épargner comme des monstres. » Ainsi font-ils.


CHAPITRE III.


Projet de former une cavalerie perse.


Cependant quelques Mèdes s’étant emparés des chariots partis en avant et remplis d’objets nécessaires à la guerre, leur font rebrousser chemin et les ramènent ; d’autres, ayant suivi des chariots pleins de femmes très-belles, épouses ou maîtresses, qu’on avait emmenées pour leur beauté, les font prisonnières et les conduisent au camp. C’est, en effet, aujourd’hui même encore, la coutume des Asiatiques, quand ils vont à la guerre, de se faire suivre de ce qu’ils ont de plus précieux : ils disent qu’ils se battent mieux en présence de ce qu’ils chérissent le plus au monde, qu’il y a là pour eux nécessité de se défendre avec vigueur. Peut-être est-ce vrai, peut-être n’agissent-ils ainsi que par amour du plaisir.

Cyrus, en voyant ce qu’avaient fait les Mèdes et les Hyrcaniens, ressent un peu de dépit contre lui-même et contre ceux qui sont avec lui : dans le temps même où les autres avaient fait briller leur valeur et conquis des avantages, les siens étaient demeurés en place, condamnés à l’inaction. Ceux qui amenaient le butin au camp le lui montraient et retournaient aussitôt à