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aux premiers, et met les blessés entre les mains des médecins, avec ordre de les soigner. Il dit ensuite aux Chaldéens qu’il n’est venu ni pour les détruire, ni par envie de guerroyer, mais pour établir la paix entre les Arméniens et les Chaldéens. « Avant que je fusse maître de ces montagnes, ajoute-t-il, je sais que vous pouviez vous passer de la paix : votre avoir était en sûreté, et vous emportiez celui des Arméniens. Mais voyez maintenant où vous en êtes. Je vous laisse, vous prisonniers, retourner librement chez vous, et je vous permets à vous, ainsi qu’aux autres Chaldéens, de délibérer si vous voulez nous faire la guerre ou être nos amis. Si vous choisissez la guerre, ne venez pas ici sans armes, si vous n’avez pas perdu le sens ; si vous optez pour la paix, venez sans armes ; le bon état de vos affaires, si vous devenez nos amis, sera l’objet de mes soins. » À ces mots, les Chaldéens, applaudissant vivement Cyrus, lui serrent mille-fois la main en retournant chez eux.

Quand l’Arménien a entendu l’appel de Cyrus et appris ce qu’il a fait, il prend avec lui des ouvriers et tout ce qui lui est nécessaire, et se rend auprès de Cyrus le plus vite possible. Dès qu’il est en sa présence, il lui dit : « Cyrus, j’admire comment, avec si peu de connaissance de l’avenir, nous osons, faibles mortels, former tant de projets. Ainsi, moi, quand je m’ingéniais des moyens de conquérir ma liberté, je suis devenu esclave comme jamais je ne l’avais été. Depuis que nous avons été pris et que nous croyions évidemment tout perdu, nous nous sommes trouvés plus en sûreté que jamais. Car jamais ces ennemis n’avaient cessé de nous faire du mal, et maintenant je vois qu’ils ont ce que je souhaitais. Sache bien, Cyrus, que, pour obtenir qu’ils fussent chassés de ces montagnes, j’aurais donné beaucoup plus que tu n’as exigé de moi. Ce que tu as promis de nous faire de bien, en recevant notre argent, tu l’as déjà payé ; nous avons même de nouvelles obligations envers toi, que nous ne pourrons oublier sans rougir, à moins d’être des lâches ; et d’ailleurs, quoi que nous fassions, notre gratitude ne nous acquittera jamais envers un tel bienfaiteur. » Ainsi parle l’Arménien.

Les Chaldéens reviennent supplier Cyrus de faire la paix avec eux. Cyrus leur adresse cette question : « Et quel autre désir, Chaldéens, avez-vous, en faisant la paix, que d’y trouver plus de sûreté que dans la guerre, maintenant que nous sommes maîtres des montagnes ? » Les Chaldéens en conviennent. Alors Cyrus : « Et si la paix vous procurait encore d’autres biens ? —