Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/252

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je le faisais, quoiqu’on m’en empêchât, et sans qu’on me l’eût enseigné. Il en est de même pour bien d’autres choses que m’empêchaient de faire mon père et ma mère, et auxquelles la nature m’entraînait. Ainsi, par Jupiter, je frappais de mon épée tout ce que je pouvais frapper sans être vu ; et ce n’était pas seulement un besoin de la nature, comme de marcher et de courir ; mais, outre l’instinct naturel, j’en éprouvais un vif plaisir. Maintenant donc qu’on nous donne un moyen de combattre qui exige plus de courage que d’art, comment ne trouverions-nous pas de plaisir à lutter contre les homotimes ? Les récompenses proposées à leur courage sont les mêmes qui nous attendent, mais nous marchons au danger en risquant moins qu’ils ne risquent : ils exposent une vie honorable, la plus douce et la plus agréable qu’on puisse avoir, et nous, une vie de travaux, privée de tout honneur, et, à mon gré, la plus misérable. Ce qui m’excite encore davantage à cette lutte, compagnons, c’est que Cyrus en sera le juge, et un juge impartial. Oui, j’en atteste les dieux, Cyrus aime autant que lui-même ceux qu’il voit braves, et je vois qu’il prend plus de plaisir à leur donner ce qu’il possède qu’il n’en a lui-même à le posséder. Je n’ignore pas toutefois que les homotimes ont d’eux-mêmes une haute idée, parce qu’ils sont élevés à endurer la faim, la soif, le froid, mais ils ne savent pas que nous avons pris les mêmes leçons d’un maître meilleur que le leur. Car il n’est pas de meilleur maître que la nécessité qui nous a donné, sous ce rapport, un enseignement complet. Il a fallu leur apprendre à porter les armes, que tous les hommes ont inventées de manière à être faciles à porter ; mais nous qui sommes habitués à marcher et à courir avec d’énormes fardeaux, nous les trouvons si légers, qu’il me semble plutôt que ce sont des ailes qu’un fardeau. Sache donc bien, Cyrus, que je suis résolu à me battre vaillamment, et que je prétends, selon ce que je ferai, être honoré suivant mon mérite. Et vous, plébéiens, je vous conseille de vous élancer à cette lutte de bravoure guerrière avec ceux qui y ont été élevés ; car les voilà maintenant provoqués à lutter avec des plébéiens. » Ainsi parle Phéraulas. Plusieurs autres se lèvent pour appuyer les orateurs. Il est décidé, en conséquence, que chacun sera récompensé selon son mérite, et que Cyrus en sera le juge. Ainsi se termine cet incident.

Un jour, Cyrus invita à souper un bataillon entier avec son taxiarque, qui lui avait fait voir un jeu fort agréable. Il les avait partagés en deux bandes de cinquante hommes chacune, et les