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Cyaxare. — Et par conséquent, dit Cyrus, la victoire est du côté où il y a le plus de combattants ; car une grosse troupe blessera beaucoup plus de gens dans une petite, que la petite n’en pourra blesser dans la grande. — Si cela est vrai, dis-moi, Cyrus, qu’y a-t-il de mieux à faire que d’envoyer chez les Perses, et de leur dire que, si les Mèdes éprouvent un échec, le danger gagnera la Perse, et de leur demander un renfort ? — Mais, répond Cyrus, sois bien sûr que, quand tous les Perses viendraient, nous ne serions pas encore supérieurs en nombre aux ennemis. — Eh bien, vois-tu quelque chose de mieux à faire ? — Si j’étais à ta place, dit Cyrus, je ferais faire pour tous les Perses qui viennent ici des armes telles qu’en portent ceux que nous nommons homotimes : c’est une cuirasse pour couvrir la poitrine, un petit bouclier pour le bras gauche, un sabre ou une sagaris pour la main droite. En les armant ainsi, tu feras que nos gens iront à la rencontre de l’ennemi avec plus d’assurance, et que les ennemis aimeront mieux fuir que de tenir ferme. Nous nous rangeons nous-mêmes contre ceux qui tiennent bon ; puis, s’ils viennent à fuir, nous vous les laissons à vous et à vos chevaux pour qu’ils n’aient pas le temps de reprendre pied et de revenir à la charge. »

Ainsi parle Cyrus. Cyaxare juge qu’il a raison, et, sans plus songer à demander de nouvelles troupes, il fait faire les armes en question. Elles étaient bientôt prêtes, quand les homotimes des Perses arrivent, suivis de l’année perse. On dit qu’alors Cyrus les réunit et leur adressa ainsi la parole :

« Mes amis, je crois, en vous voyant armés de la sorte et le cœur bien préparé, que vous êtes tout prêts à en venir aux mains avec les ennemis. Quand je songe que les Perses qui vous suivent n’ont d’armes que pour combattre rangés de loin, je crains qu’étant si peu nombreux et-privés d’alliés, une mêlée avec ces nombreux ennemis n’entraîne un échec. Aujourd’hui vous venez avec des hommes dont le corps est en bon état ; mais il leur faut des armes semblables aux nôtres. Pour ce qui est d’aiguiser leur courage, c’est votre affaire : car il ne suffit pas à celui qui commande de se montrer vaillant, il doit veiller à ce que tous ceux auxquels il commande soient aussi vaillants que possible. » Ainsi parle Cyrus. Tous sont enchantés de ses paroles, en pensant qu’ils lutteraient mieux contre un ennemi plus fort, et l’un d’eux prenant la parole : « Peut-être, dit-il, mes paroles sembleront assez étranges, si je conseille à Cyrus de parler pour nous, quand ceux qui doivent combattre sous nos ordres rece-