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vaincre, pour les y attaquer. — Est-ce dans ces occasions seulement, dit Cyrus, qu’on peut avoir l’avantage, ou y en a-t-il encore d’autres ? — Il n’en faut pas douter, mon garçon. Dans ces occasions, tous ceux qui connaissent leur faible se tiennent particulièrement sur leurs gardes. Mais c’est bien savoir tromper les ennemis que de leur inspirer de la confiance pour les surprendre à l’improviste, et de les mettre en désordre en feignant de fuir devant eux, de les attirer par la fuite dans un mauvais pas, pour les y attaquer. D’ailleurs, mon garçon, puisque tu désires apprendre toutes ces ruses, il ne faut pas t’en tenir seulement à celles que tu auras apprises, mais devenir toi-même un inventeur de machinations contre les ennemis. C’est ainsi que les musiciens ne se contentent pas des airs qu’ils ont appris, mais ils essayent de composer de nouvelles mélodies. Et comme dans la musique les chants nouveaux et frais sont es. plus grande estime, de même à la guerre les stratagèmes les plus récents sont les plus estimés, parce qu’ils trompent le mieux les ennemis. Au reste, mon garçon, quand tu ne ferais que transporter aux hommes les ruses dont tu te servais contre les petits animaux, ne crois-tu pas que tu serais assez avancé dans l’art de prendre avantage sur l’ennemi ? Tu te levais quelquefois la nuit, au cœur de l’hiver, pour aller faire la chasse aux oiseaux, et, avant qu’ils fussent levés, tu leur tendais des pièges dans les endroits où tu voulais les attirer, de manière à ce que la terre remuée parût ne pas l’avoir été ; puis tu avais des oiseaux dressés à servir tes desseins, et à tromper ceux de leur race. Alors tu les épiais de façon à n’en pas être vu, et, après t’y être exercé, tu tirais le filet avant qu’ils pussent s’enfuir. Pour chasser le lièvre qui broute la nuit, et qui le jour se tient au gîte, tu nourrissais des chiens qui le suivaient à l’odeur, et qui le faisaient lever. Comme il est vite à fuir, une fois découvert, tu avais d’autres chiens dressés à le prendre sur pied ; et s’il venait à s’échapper, toi, après avoir épié ses passages et les refuites familières aux lièvres, tu y tendais des filets invisibles, où il tombait et se liait lui-même dans la rapidité de sa fuite. Enfin, de crainte qu’il ne s’échappât encore, tu plaçais à côté des pièges des surveillants, qui devaient se tenir au plus près, puis, toi-même sur la piste du lièvre, et poussant des grands cris, tu l’enrayais de manière à le prendre tout ahuri. Seulement, tu recommandais le silence à ceux que tu avais fait cacher en embuscade. Comme je l’ai dit, si tu voulais user de toutes cas ruses avec les hommes, je ne pense pas qu’un seul