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pations nécessaires du général au sujet de son armée. Comme je te dis qu’il ne m’en avait point parlé, tu me demandas encore s’il ne m’avait point enseigné quelques ruses propres à rendre les alliés très-habiles dans chacun des travaux militaires. Je te dis qu’il ne m’en avait pas dit un mot, et alors que tu cherchas à savoir s’il m’avait appris comment je pourrais inspirer du courage à une armée, disant qu’en toute entreprise il y a une différence énorme entre le courage et la timidité, je te répondis qu’il n’en avait pas été question, et tu t’informas si, dans ses leçons, il m’avait donné quelques conseils sur le meilleur moyen de se faire obéir de son armée. Je te répondis qu’il ne m’avait pas ouvert la bouche de tout cela, et enfin tu me demandas ce qu’il m’avait appris pour dire qu’il m’avait appris la stratégie. Je te répondis que c’était la tactique. Tu te mis à rire et à m’expliquer ensuite, en reprenant par les détails, à quoi pourrait servir la tactique, en fait de stratégie, sans les choses nécessaires ; à quoi, sans la santé, à quoi, sans savoir les ruses de guerre ; à quoi, sans l’obéissance. Et quand tu m’eus démontré clairement que la tactique est la moindre partie de la stratégie, comme je te demandais si tu étais en mesure de m’enseigner quelqu’une de ces choses, tu m’engageas à aller m’en entretenir auprès des hommes réputés bons stratégistes, et à m’informer comment chacune d’elles se pratique.

« Depuis lors, j’ai toujours fréquenté ceux que j’entendais dire savants sur ces matières. Ainsi pour la nourriture, j’ai cru pouvoir m’en remettre aux soins de Cyaxare ; pour la santé, j’ai entendu dire et j’ai vu que, comme les villes qui veulent être en bonne santé se choisissent des médecins, les généraux emmènent avec eux des médecins pour leurs soldats : par conséquent, à peine entré en fonctions, je m’en suis préoccupé, et je crois, mon père, que j’ai avec moi des hommes habiles dans l’art médical. »

À cela le père de Cyrus lui répond : « Les gens dont tu parles, mon garçon, me font l’effet de certains raccommodeurs d’habits déchirés : les médecins, quand on est malade, viennent vous guérir ; mais pour toi, il y a une mesure plus noble à prendre relativement à la santé, c’est d’empêcher ton armée d’être malade : telle doit être ta préoccupation. — Et quelle est la marche à suivre, mon père, pour arriver à cela ? — Quand tu dois rester quelque temps au même endroit, aie soin avant tout de t’assurer d’un campement salubre ; et tu ne seras pas en défaut sur ce point, si tu t’en donnes la peine. Il n’est men-