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travaux guerriers, ils acquerront une grande fortune, uns grande prospérité, de brillants honneurs pour eux et pour leur pays.

« Si quelques-uns, après avoir beaucoup travaillé, sont devenus incapables, par la vieillesse, d’en recueillir quelque fruit, je les comparerai à un homme qui, désirant devenir un bon agriculteur, sèmerait bien, planterait bien, mais qui, au moment de la récolte, laisserait son grain tombe à terre, au lieu de le recueillir. De même, un athlète qui, par beaucoup d’exercices, se serait rendu capable de vaincre, et qui resterai là sans lutter, me paraîtrait encourir justement le reproche de folie. Pour nous, soldats, ne tombons point dans ce défaut, Et puisque nous savons que, dès l’enfance, nous avons été exercés pour les actions belles et bonnes, marchons contre les ennemis qui, je le sais les ayant vus, ne sont que des novices à lutter contre nous. Car je n’appelle pas antagonistes sérieux des hommes qui savent tirer de l’arc, lancer le javelot ou monter à cheval, et qui, s’il faut supporter la fatigue, en sont incapables : or, ceux-ci ne sont que des novices en fait de fatigue ; ni des hommes qui, lorsqu’il faut veiller, en sont incapables : or, ceux-ci ne sont que des novices en fait de veille ; ni des hommes qui, tout en étant capables de fatigue et de veille, ne savent pas se conduire avec des alliés et des ennemis : or, ceux-ci ne connaissent pas évidemment cette science, la plus importante de toutes.

« Vous, au contraire, vous usez de la nuit, comme les autres du jour ; vous regardez le travail comme la source de bien vivre ; la faim vous sert d’assaisonnement, et vous buvez de l’eau avec plus de plaisir que les lions. Surtout vous possédée dans vos âmes la passion la plus belle pour un guerrier : vous aimez les louanges par-dessus tout le reste ; or, quand on aime les louanges, on doit acquérir ce qui les procure, on doit supporter, pour y atteindre toutes les fatigues, tous les dangers. Si en vous parlant ainsi de vous-mêmes je pensais autrement, c’est moi-même que je tromperais. Car, si jamais vos actions venaient à me démentir, votre défaillance retomberait sur moi. Mais je suis sûr, grâce à votre expérience, à votre affection pour moi et à l’ignorance des ennemis, que ces espérances ne seront point trompées. Marchons avec confiance, puisque nous ne pouvons pas même être soupçonnés de convoiter injustement le bien d’autrui. Ce sont les ennemis dont les mains injustes commencent par nous attaquer ; ce sont des amis qui nous appel-