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lessuivant au galop, en prennent un grand nombre, frappent ceux qu’ils prennent, hommes et chevaux, et tuent ceux qui tombent : on ne les quitte pas, avant d’être arrivés à l’infanterie assyrienne : mais là, craignant qu’il n’y eût quelque grande embuscade, l’on s’arrête.

Astyage s’en retourne après cela, tout ravi de l’avantage remporté par sa cavalerie ; mais pour Cyrus, il ne sait que lui dire : il voyait bien qu’il était la cause du succès ; mais il trouvait qu’il y avait de la folie dans son audace. En effet, au moment où tout le monde se retirait chez soi, Cyrus, resté seul, s’amusait à se promener à cheval pour regarder les morts. Ceux qui avaient ordre de le ramener, après avoir eu peine à l’arracher de là, le conduisent à Astyage ; mais il se cache derrière ceux qui remmènent, ayant remarqué le front courroucé de son grand-père à son aspect.

Voilà ce qui se passa avec les Mèdes. Dès lors tous ont à la bouche le nom de Cyrus, soit dans leurs discours, soit dans leurs chansons ; et Astyage, qui déjà l’avait en estime, est alors plein d’admiration pour lui. Cambyse, père de Cyrus, est enchanté en apprenant ces nouvelles ; puis, quand on lui dit que Cyrus fait déjà les actions d’un homme, il le rappelle, pour lui faire achever son éducation à la façon nationale des Perses. On dit que Cyrus répond aussitôt qu’il est prêt à partir pour ne pas fâcher son père, ni se faire blâmer par ses compatriotes. Astyage d’ailleurs juge nécessaire de le renvoyer. Il lui donne à choisir parmi ses chevaux ceux qu’il désire prendre, lui fait encore plusieurs autres présents en le congédiant, pour montrer la tendresse qu’il a pour lui, et les grandes espérances qu’il a conçues de le voir un jour capable d’être utile à ses amis et de nuire à ses ennemis. Quand Cyrus part, tout le monde lui fait cortège à cheval, enfants, jeunes gens, hommes, vieillards, et Astyage aussi : et l’on dit qu’il n’y avait personne qui ne s’en allât en versant des larmes.

On dit encore que Cyrus partit les yeux baignés de larmes, qu’il distribua à ses camarades d’âge une grande partie des dons qu’Astyage lui avait faits, et qu’à la fin il se dépouilla de sa robe médique pour la donner à quelqu’un, montrant par là qu’il le chérissait plus que tous les autres. Cependant on conte que ceux qui avaient pris et accepté les présents les renvoyèrent à Astyage. Astyage les reçut et les renvoya à Cyrus, qui les fit de nouveau remettre aux Mèdes, en disant : « Grand-père, si tu veux que je revienne un jour auprès de toi sans rougir, per-