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peur et ne bougeront pas, et les pillards lâcheront prise aussitôt qu’ils verront qu’on se porte sur eux. »

Quand Cyrus a dit ces mots, Astyage trouve qu’il y a du bon dans son avis. Admirant sa prudence et son intelligence éveillée, il ordonne à son fils de prendre un escadron de cavalerie et de se porter sur ceux qui enlevaient le butin. « Pour moi, dit-il, je me porterai sur les autres, s’ils font mine de remuer, et je les forcerai à ne faire attention qu’à nous. » Cyaxare prend donc des chevaux et des hommes vigoureux et part au galop. Cyrus, les voyant partir, s’élance avec eux et marche promptement en tête, tandis que Cyaxare le suit et crie les autres ne demeurent point en arrière. En les voyant approcher, les maraudeurs laissent là leur butin et s’enfuient.

Mais Cyrus et sa troupe leur coupent le chemin et frappent sur ceux qu’ils saisissent, Cyrus en tête ; tandis que ceux qui avaient gagné de vitesse par un autre côté, ils les poursuivent de près et ne les lâchent pas avant d’en avoir pris quelques-uns. Comme un chien de bonne race, mais sans expérience, se jette inconsidérément sur un sanglier, de même Cyrus se porte avec ardeur, ne songeant qu’à frapper celui qu’il saisit, et pas à autre chose. Cependant les ennemis, voyant le danger des leurs, font avancer la cavalerie de réserve, espérant que la poursuite cesserait, quand on apercevrait leur mouvement. Mais Cyrus, sans reculer, appelle son oncle avec grands cris et grands transports de joie, et poussant avec force, il précipite la fuite des ennemis. Cyaxare le suit : il aurait eu honte sans doute devant son père : leurs gens viennent après, avec une grande ardeur de poursuite, même ceux qui, d’ordinaire, n’étaient pas très-braves contre l’ennemi. Mais quand Astyage voit d’une part leur poursuite inconsidérée, et de l’autre les ennemis serrés et bien rangés s’avançant à leur rencontre, il craint que son fils et Cyrus ne tombent sans ordre au milieu d’hommes bien préparés et n’éprouvent un échec, et s’élance vivement sur les ennemis. De leur côté, les ennemis, voyant les Mèdes s’ébranler, font halte le javelot et la flèche en arrêt, s’imaginant que, quand les Mèdes seront à la portée du trait, ils s’arrêteront comme d’habitude. En effet, jusque-là, quand ils étaient proches, ils s’avançaient les uns contre les autres, et escarmouchaient souvent jusqu’au soir. Mais quand les ennemis voient leurs coureurs revenir sur eux à toute bride, Cyrus les serrer de près, et Astyage s’approcher avec ses chevaux jusqu’à la portée du trait, ils plient et prennent la fuite. Les autres,