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lui donna des gardes à cheval d’un certain âge, pour veiller sur lui dans les pas difficiles et contre les bêtes sauvages qui pourraient se présenter. Cyrus s’informe avec soin auprès de ceux qui le suivent, de quelles bêtes il faut se garder et quelles sont celles qu’on peut poursuivre en confiance. Ceux-ci lui disent que les ours, les lions, les sangliers et les léopards ont tué parfois beaucoup d’hommes qui s’en sont approchés ; mais que les cerfs, les chevreuils, les brebis et les onagres sont inoffensifs. Ils lui disent encore qu’il faut prendre garde aux mauvais chemins tout autant qu’aux bêtes, et que bien des gens se sont jetés dans des précipices, eux et leurs chevaux.

Cyrus écoute tout cela avec beaucoup d’attention ; mais voyant partir un cerf, il oublie tout ce qu’il vient d’entendre, s’élance à sa poursuite et ne songe plus qu’à tenir la voie. Dans son élan, son cheval tombe sur les genoux et lui fait presque faire la culbute, mais Cyrus se retient de son mieux ; le cheval se relève, Cyrus entre en plaine, pousse au cerf son dard et le jette sur le flanc : c’était une grande et belle bête. Cyrus est au comble de la joie : les gardes arrivent au galop, le grondent et lui disent le danger qu’il a couru, et ajoutent qu’ils s’en plaindront. Cyrus, qui avait mis pied à terre, se tient debout et n’est pas content de leur réprimande. Mais il entend un cri, saute à cheval, comme plein d’enthousiasme, aperçoit un sanglier qui fond du côté opposé, se porte à sa rencontre, le vise avec adresse, le frappe en plein front et abat le sanglier.

Son oncle ne peut s’empêcher de le gronder en voyant sa témérité ; mais Cyrus, pendant cette réprimande, le prie néanmoins de lui permettre d’emporter et de donner à son grand-père les deux bêtes qu’il a tuées. Son oncle, dit-on, lui répond : « Mais s’il apprend que tu as chassé, non-seulement il te grondera, mais moi aussi pour t’avoir laissé faire. — Eh bien, dit Cyrus, qu’il me fasse fouetter, s’il veut, après que je lui aurai donné ma chasse. Quant à toi, mon oncle, si tu le veux, punis-moi à ton gré, mais accorde-moi cette grâce. » Alors Cyaxare finit par lui dire : « Agis comme tu voudras ; car tu me fais l’effet à présent d’être notre roi. »

Aussitôt Cyrus fait emporter les deux bêtes, les présente à son grand-père et lui dit qu’il les a chassées exprès pour lui. Il ne lui montre pas, il est vrai, les javelots, mais il les place tout sanglants où il pensait que son grand-père les verrait. Astyage lui dit donc : « Oui, mon garçon, je reçois avec plaisir ce que tu me donnes ; cependant je n’ai pas tellement besoin