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une, parce qu’ils n’ont mangé que la portion d’un jour. Or, ils agissent ainsi pour s’accoutumer, quand il le faudra, à le faire en guerre. Ces jeunes gens n’ont encore d’autre nourriture accessoire que leur chasse : autrement, c’est du cresson. Mais si l’on se figure qu’ils aient moins d’appétit à ne manger que du cresson avec leur pain, et qu’ils éprouvent moins de plaisir à boire, parce qu’ils n’ont que de l’eau, que l’on songe quelles délices on éprouve, quand on a faim, à manger une croûte de pain bis, quelles délices, quand on a soif, à boire de l’eau pure.

Les tribus des jeunes gens, de séjour à la ville, s’occupent des mêmes exercices qu’ils ont appris dans leur bas âge, tirer de l’arc, lancer le javelot : il ne cesse d’y avoir entre eux, sur ce point, une grande rivalité. Quelquefois ces concours sont publics, et on y propose des prix. La tribu dans laquelle se trouve le plus grand nombre de jeunes gens recommandables par leur science, leur courage, leur soumission, reçoit les éloges des citoyens, qui font honneur non-seulement à leur gouverneur actuel, mais à tous ceux qui les ont élevés dès l’enfance. Ces jeunes gens qui restent sont encore employés, au besoin, par les magistrats pour monter la garde, découvrir des malfaiteurs, poursuivre des voleurs, et autres services analogues, qui exigent de la vigueur et de la promptitude. Telle est la façon de vivre des adolescents. Après avoir passé dix ans de la sorte, ils entrent dans la classe des hommes faits.

À dater du moment où ils sont sortis des adolescents, ils vivent vingt-cinq ans de la façon que nous allons dire. Et d’abord, comme les adolescents, ils se mettent à la disposition des magistrats, pour le service public, quand il exige des hommes à qui l’âge a donné la maturité du conseil et n’a pas encore ôté la vigueur de l’action. S’il faut, par hasard, aller en guerre, les hommes ainsi élevés ne portent plus ni flèches ni javelots : ils n’ont plus que les armes qu’on dit faites pour combattre de près, une cuirasse autour de la poitrine, un bouclier au bras gauche, comme on représente les Perses, et à la main droite un coutelas ou un sabre. C’est de cette classe qu’on tire tous les magistrats, excepté les instituteurs de l’enfance. Quand ils ont accompli les vingt-cinq ans et qu’ils en ont un peu plus de cinquante, ils entrent dans la classe de ceux qu’on appelle vieillards, et qui le sont en effet.

Les vieillards ne vont plus à la guerre hors de leur patrie, mais ils restent chez eux et y jugent toutes les affaires publiques