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payer, je te conjure de le faire par mes mains et de ne pas négliger de me remettre aujourd’hui avec l’armée au point où j’en étais, quand je suis venu vers toi. » Seuthès dit : « Ce n’est pas à cause de moi que tu perdras l’estime des soldats ; et, si tu restes auprès de moi avec mille hoplites seulement, je te donnerai toutes les places et tous les dons que je t’ai promis. » Xénophon répond : « Cela ne peut plus se faire ; renvoie-nous sur-le-champ. — Cependant, dit Seuthès, je sais qu’il est plus sûr pour toi de rester auprès de moi que de partir. — Je te suis reconnaissant, répond Xénophon, de ta prévoyance, mais il m’est impossible de rester : partout où j’aurai de la considération, sois certain qu’elle tournera à ton avantage. » Seuthès répond : « Je n’ai point d’argent, ou plutôt j’en ai peu, je te le donne ; c’est un talent : j’ai en outre six cents bœufs, environ quatre mille moutons et cent vingt esclaves : prends-les, ainsi que les otages de ceux qui vous ont attaqués, et pars. » Xénophon se met à rire : « Et si tout cela ne suffit pas pour la paye, à qui, je te le demande, appartiendra le talent ? Puisqu’il y a du danger pour moi à m’en aller, ne faut-il pas, que je me garantisse des pierres ? Tu as entendu les menaces. » Il demeure donc là le reste du jour.

Le lendemain, Seuthès livre aux députés ce qu’il avait promis, et envoie des gens le porter. Les soldats disaient déjà que Xénophon n’avait été trouver Seuthès que pour rester auprès de lui et recevoir ce qu’il lui avait promis. Quand ils le voient arriver, ils courent à lui tout joyeux. De son côté, Xénophon, apercevant Charminus et Polynice : « Voilà, leur dit-il, ce que vous avez sauvé pour l’armée ; je vous le remets, vendez-le et donnez-en le prix aux soldats. » Ceux-ci reçoivent les effets, y commettent des laphyropoles et soulèvent de nombreuses récriminations. Xénophon se tient à l’écart, mais il fait ostensiblement ses préparatifs pour retourner dans son pays : le décret n’ayant pas encore paru, qui le bannissait d’Athènes. Ceux des soldats qui étaient le plus liés avec lui viennent le conjurer de ne pas partir avant d’avoir emmené l’armée et de l’avoir remise à Thimbron.