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pédéraste. Cet homme, voyant un tout jeune garçon, d’une jolie figure, tenant un pelte à la main et condamné à mourir, accourt vers Xénophon et le conjure de venir en aide à ce bel enfant. Xénophon va trouver Seuthès et le prie de ne pas faire tuer ce garçon : il lui dit en même temps les goûts d’Épisthène, que jadis formant un loche, il n’avait songé qu’à le composer de jolis garçons ; homme brave d’ailleurs à la tête de sa troupe. Seuthès lui dit : « Voudrais-tu, Épisthène, mourir à sa place ? » Épisthène tendant le cou : « Frappe, dit-il, si ce garçon le veut et si cela peut lui être agréable. » Seuthès demande ensuite au garçon s’il veut qu’il frappe l’autre à sa place. L’enfant ne veut pas et le prie de ne les tuer ni l’un ni l’autre. Alors Épisthène embrassant le garçon : « Qu’on vienne maintenant, Seuthès, dit-il, combattre contre moi pour l’avoir ! je ne le lâcherai pas. » Mais Seuthès, se mettant à rire, passe à d’autres soins. Il est d’avis de demeurer à cette place, afin que ceux qui se sont réfugiés dans la montagne ne puissent tirer leur subsistance des villages. Ils descend lui-même dans la plaine et s’y établit. Xénophon, avec sa troupe d’élite, se cantonne dans le village le plus élevé, et les autres Grecs à peu de distance, chez les Thraces appelés montagnards.

Peu de jours s’étaient écoulés, lorsque les Thraces de la montagne descendent auprès de Seuthès et négocient une trêve, avec remise d’otages. Xénophon vient aussi trouver Seuthès et lui dit qu’il est cantonné dans un mauvais endroit ; que les ennemis sont tout près ; qu’il serait plus agréablement dans un endroit fortifié par la nature, que dans un village où il y a chance de périr. Seuthès l’invite à prendre courage et lui montre les otages qu’on lui a remis. Quelques hommes descendus de la montagne étaient aussi venus trouver Xénophon pour négocier une trêve. Xénophon y consent, leur dit de se rassurer, et leur promet qu’il ne leur arrivera aucun mal, s’ils se rendent à Seuthès. Mais ces gens n’avaient dit cela que pour espionner.

Voilà ce qui se passa le jour. La nuit d’après, les Thyniens viennent de la montagne attaquer le village. Le maître de chaque maison servait de guide ; et, de fait, il eût été difficile à tout autre, dans l’obscurité, de reconnaître les maisons dans les villages : elles étaient toutes palissadées autour, avec de grands pieux, à cause du bétail. Arrivés aux portes de chaque maison, les uns lancent des javelots, les autres frappent avec des massues qu’ils disaient porter pour briser la pointe des lames : quelques-uns y mettent le feu ; puis, appelant Xénophon par son