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Telles étaient les pensées qui le préoccupaient. Les stratèges et les lochages reviennent de chez Aristarque. Ils rapportent que, pour l’instant, ils les a congédiés avec ordre de revenir dans l’après-dînée : ce qui rendait plus évidente la trahison. Xénophon, croyant d’après les victimes que le plus sûr pour lui et pour l’armée est de se rendre auprès de Seuthès, prend Polycrate d’Athènes, un des lochages, prie chacun des stratèges, excepté Néon, de lui donner l’homme en qui il a le plus de confiance, et part la nuit pour le camp de Seuthès, qui était à soixante stades.

Quand on est près, on rencontre des feux, mais point de gardes. D’abord Xénophon croit que Seuthès a décampé ; mais entendant du bruit et les avertissements réciproques des soldats de Seuthès, il se doute que celui-ci fait allumer ainsi des feux en avant des poètes, afin qu’on ne puisse voir les gardes dans l’obscurité, ni savoir où elles sont, tandis que tout ce qui s’en approche ne peut se cacher et se trouve éclairé à plein par la lueur. Ce fait reconnu, il envoie en avant l’interprète qu’il avait pris avec lui, et le prie de dire à Seuthès que Xénophon est là, qui veut conférer avec lui. La garde demande si c’est l’Athénien, celui de l’armée. Il répond que c’est lui-même. Les soldats ne font qu’un saut auprès de Seuthès ; et, quelques instants après, arrivent environ deux cents peltastes qui conduisent Xénophon et sa suite auprès de leur chef. Celui-ci se tenait dans une tour bien gardée, et entourée de chevaux tout bridés ; dans la crainte d’une surprise, il les faisait paître le jour et les tenait prêts pour la nuit. On disait que jadis Térès, son aïeul, dans le même pays et suivi d’une nombreuse armée, avait eu beaucoup de monde de tué par les habitants, qui l’avaient dépouillé de ses équipages. Ces peuples sont les Thyniens, réputés pour les gens les plus redoutables dans les entreprises nocturnes.

Quand on est près de Seuthès, il ordonne qu’on fasse entrer Xénophon avec deux hommes de son choix. Entrés, on commence par se saluer, et, suivant la mode des Thraces, on se donne à boire dans des cornes pleines de vin. Près de Seuthès était Médosade, qu’il envoyait partout en députation. Xénophon prend ensuite la parole : « Seuthès, dit-il, tu m’as d’abord envoyé en Chalcédoine Médosade ici présent, pour me prier de négocier le passage de l’armée hors de l’Asie, me promettant, si je vous rendais ce service, de me payer de retour : c’est ce que m’a dit Médosade que voici » En disant ces mots, il demande à Médosade s’il dit vrai. Celui-ci en convient. « Le même Médosade,