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faut pas, pour un homme ou deux, fermer la Grèce à tous les autres ; mais obéir à ce qu’on nous ordonne : aussi bien les villes d’où nous sommes leur obéissent. Pour ma part puisqu’on me dit que Dexippe affirme à Cléandre que jamais Agasias n’aurait agi de la sorte sans mon ordre, je vous lave tous de cette accusation, aussi bien qu’Agasias, si Agasias lui-même prétend que je suis l’auteur de tout cela. Oui, je m’accuse, si j’ai excité quelqu’un à jeter des pierres ou à commettre quelque autre violence, de mériter le dernier supplice, et je suis prêt à le subir. Seulement, j’ajoute que, si un autre est accusé, il faut qu’il se remette de même aux mains et au jugement de Cléandre. C’est le moyen de vous mettre tous hors de cause. Dans les circonstances où nous sommes, il serait triste qu’espérant obtenir en Grèce honneur et gloire, nous n’y fussions pas même traités comme les autres, mais exclus des villes grecques. »

Agasias se lève : « Compagnons, dit-il, j’en atteste les dieux et les déesses, non, Xénophon ne m’a pas donné le conseil d’enlever l’homme arrêté ; personne de vous ne me l’a donné. Mais voyant saisir un de mes braves lochites par un Dexippe, qui, vous le savez tous, vous a trahis, le fait m’a paru trop violent, je le lui ai arraché, je l’avoue. Cependant ne me livrez pas. C’est moi-même, comme le dit Xénophon, qui me livrerai à la justice de Cléandre, pour qu’il fasse de moi ce qu’il voudra. Ainsi ne vous mettez point pour cela en guerre avec les Lacédémoniens ; sauvez-vous en toute sûreté, où chacun de vous le désire. Seulement envoyez avec moi auprès de Cléandre des députés qui, en cas d’omission de ma part, parleront et agiront pour moi. » Alors l’armée permet à Agasias de choisir qui bon lui semble pour l’accompagner. Il choisit les stratèges. Agasias et les stratèges vont trouver Cléandre, avec l’homme qui avait été arraché, et les stratèges s’expriment ainsi : « L’armée nous a envoyés vers toi, Cléandre. Elle te prie, si tu l’accuses tout entière, de la juger et d’en ordonner ce que tu voudras : s’il y a un seul homme, ou deux, ou plusieurs qui soient en cause, elle est d’avis qu’ils se présentent eux-mêmes à ton tribunal. En conséquence, si tu accuses quelqu’un de nous, nous nous offrons à ta justice ; si c’en est un autre, parle. Personne ne t’échappera de ceux qui sont soumis à notre autorité. » Alors Agasias s’avançant : « C’est moi, Cléandre, dit-il, qui ai arraché à Dexippe l’homme qu’il emmenait : c’est moi qui ai engagé à frapper Dexippe. Je connaissais ce soldat pour un brave. Quant