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pour le départ ne donne pas de présages favorables. On ne bouge donc pas ce jour-là. Quelques-uns ont l’audace de dire que Xénophon, voulant fonder une ville en cet endroit, a engagé le devin à dire que les victimes ne sont pas favorables au départ. Alors Xénophon fait publier par un héraut qu’il sera permis le lendemain à qui voudra, même aux devins, d’assister au sacrifice pour observer les entrailles. Il sacrifie devant un grand nombre de témoins. On immole jusqu’à trois victimes sans trouver de signes heureux pour le départ : les soldats s’en affligent d’autant plus qu’ils ont consommé les vivres qu’ils avaient apportés, et qu’il n’y a point de marché.

L’assemblée se réunit et Xénophon leur adresse encore ces paroles : « Soldats, vous le voyez, il n’y a pas de présages heureux pour le départ, et je vous vois manquer du nécessaire il me parait donc urgent d’offrir de nouveaux sacrifices pour cet objet. » Un homme se lève alors et dit : « Il est tout naturel que les présages ne soient point favorables : j’ai su de l’un des matelots du navire qui a relâché hier par hasard, que Cléandre, harmoste de Byzance, doit arriver ici avec des bâtiments de transport et des trirèmes. » Tout le monde alors est d’avis d’attendre ; mais il est essentiel de sortir pour se procurer des vivres. On immole dans cette vue jusqu’à trois victimes, et les présages sont mauvais : déjà les soldats marchent vers la tente de Xénophon et disent qu’ils n’ont pas de vivres. Celui-ci déclare qu’il ne les fera pas sortir sans avoir de présages heureux.

Le lendemain, le sacrifice recommence : l’armée presque tout entière, grâce à l’impatience générale, forme un cercle autour de l’autel ; mais les victimes manquent. Les stratèges persistent à ne pas vouloir sortir : ils convoquent l’assemblée. Xénophon s’exprime ainsi : « Sans doute les ennemis se sont réunis et il faudra combattre. Si donc, abandonnant nos équipages dans ce lieu fortifié, nous marchons tout prêts au combat, peut-être obtiendrons-nous d’heureux présages. » À ces mots, les soldats s’écrient qu’il ne faut rien transporter dans cet endroit, mais sacrifier au plus vite. On n’avait point de menu bétail ; on achète des bœufs d’attelage et on les immole. Xénophon recommande à Cléanor d’Arcadie de veiller à tout, si l’issue est favorable ; mais les présages ne sont pas heureux.

Néon, qui avait été nommé stratège à la place de Chirisophe, voyant l’extrême disette où les hommes sont réduits et voulant leur être agréable, profite de la rencontre d’un Héracléote qui