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convient de quelques conditions ; mais les Grecs demandant des otages et les Thraces refusant d’en donner, on en demeure là. Telle était la situation des Arcadiens.

Cependant Chirisophe, marchant par terre le long de la mer, arrive au port de Calpé. Xénophon, de son côté, traverse l’intérieur du pays, et sa cavalerie, détachée en avant, lui amène des vieillards qu’elle a rencontrés. Il leur demande s’ils savent des nouvelles d’une autre armée grecque. Ils rapportent ce qui s’est passé, comment les Grecs, assiégés en ce moment même sur une colline, sont serrés de tous côtés par les Thraces. Xénophon met alors ces hommes sous bonne garde, pour servir de guides au besoin ; il pose dix vedettes, convoque ses troupes et dit ; « Soldats, une partie des Arcadiens a péri ; les autres sont assiégés sur une colline. Je pense que, si nous les laissons périr, nous n’aurons plus aucun espoir de salut avec des ennemis si nombreux et si pleins d’audace. Le meilleur pour nous est donc de secourir ces gens-là au plus vite, afin que, s’ils sont encore vivants, nous combattions avec eux, et que nous n’ayons pas à courir seuls de nouveaux dangers.

« Nous camperons plus tard ; dès à présent marchons, jusqu’à ce que nous croyions être à l’heure du repas. Pendant que nous avancerons, Timasion se portera en avant avec la cavalerie, sans nous perdre de vue, et éclairera le pays, afin qu’il n’y ait pas de surprise. »

Il envoie en même temps les plus agiles de ses gymnètes sur les flancs et sur les hauteurs, avec ordre de faire signe, s’ils apercevaient quelque chose, et de brûler tout ce qui pouvait être incendié. « Quant à nous, nous n’avons plus de retraite, ajoute-t-il. Héraclée est trop loin pour y retourner, Chrysopolis trop loin pour y arriver, et nous sommes près de l’ennemi. Le port de Calpé, où nous croyons Chirisophe arrivé, s’il a pu échapper, est encore le point le plus proche. Mais il n’y a là ni bâtiments pour nous embarquer, ni vivres pour y demeurer, ne fût-ce qu’un seul jour. Laisser périr les assiégés, puis nous unir avec les troupes seules de Chirisophe, pour affronter de nouveaux dangers, est un parti pire que de les sauver, de nous unir tous et de pourvoir ensemble à notre salut. Marchons donc, résolus à périr aujourd’hui glorieusement ou à faire quelque bel exploit, en sauvant tant de Grecs. Dieu peut-être agit-il ainsi parce qu’il veut humilier l’orgueil de ceux qui se sont crus trop sages, et nous élever au-dessus d’eux, nous qui n’entreprenons rien sans invoquer les dieux.