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solde aux Grecs peur qu’ils puissent se fournir de vivres durant la traversée, il y a grande apparence qu’on fixera cette troupe sur les bords du Pont. « C’est l’avis de Xénophon, et il nous engage, aussitôt que les bâtiments seront arrivés, de dire à l’armée : « Soldats, nous vous voyons en ce moment fort embarrassé pour avoir des vivres durant le trajet et pour gagner quelque chose à rapporter aux vôtres dans votre patrie. Si vous voulez choisir, à votre gré, un des pays colonisés autour de l’Euxin, vous vous en emparerez ; alors celui qui voudra retournera dans sa patrie, celui qui ne voudra pas, pourra rester : vous avez des vaisseaux, ainsi vous pouvez tomber à l’improviste où bon vous semblera. »

Les marchands font part à leurs villes de cette nouvelle. Timasion de Dardanie y envoie Eurymaque de Dardanie et Thorax de Béotie, pour la confirmer. Les Sinopéens et les Héracléotes, en l’apprenant, dépêchent vers Timasion pour le prier de se mettre à la tête de l’affaire, et de prendre l’argent nécessaire à l’embarquement de l’armée. Celui-ci, satisfait de cette offre, rassemble les soldats et leur dit : « Camarades, il ne faut pas songer à rester ici, ni mettre rien au-dessus de la Grèce. J’entends dire qu’il y en a parmi nous qui font des sacrifices dans cette vue, sans nous en rien dire. Je vous promets, si vous vous embarquez, à la néoménie, de payer à chacun de vous un talent cyzicène par mois : je vous mènerai dans la Troade, d’où je suis banni ; ma ville deviendra vôtre, car je sais qu’on m’y recevra de bon cœur. Je vous conduirai ensuite dans un pays où vous ferez un riche butin. Je connais à fond l’Eolide, la Phrygie, la Troade, tout le gouvernement de Pharnabaze : celles-ci, parce que j’en suis originaire ; cet autre, parce que j’y ai fait la guerre avec Cléarque et Dercydidas. »

Aussitôt se lève Thorax de Béotie, qui sans cesse disputait le commandement à Xénophon. Il dit qu’à la sortie du Pont-Euxin, on trouvera la Chersonèse, contrée belle et fertile : là, qui voudra pourra se fixer ; et qui ne voudra pas, retournera dans sa patrie. Il est ridicule, quand la Grèce offre tant de pays riches et féconds, de chercher chez les Barbares. « Jusqu’à ce que vous y soyez arrivés, moi aussi, comme Timasion, je vous promets la solde. » Il disait cela, parce qu’il savait ce que les Héracléotes et les Sinopéens avaient promis à Timasion, si l’on s’embarquait.

Cependant Xénophon gardait le silence. Philésius et Lycon, tous deux Achéens, se lèvent et disent qu’il est étrange qu’en