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« Nous sommes venus ici, habitants de Sinope, contents d’avoir sauvé notre vie et nos armes : car piller et combattre en même temps l’ennemi était pour nous chose impossible. Mais maintenant que nous sommes arrivés à des villes grecques, à Trapézonte, où l’on nous a fourni un marché de vivres, nous n’avons rien pris qu’en payant ; en retour de quoi les citoyens ont rendu des honneurs à l’armée, et lui ont offert des présents d’hospitalité : de notre part mêmes hommages ; de plus, nous avons épargné ceux des Barbares dont ils sont alliés, tandis que leurs ennemis, ceux contre lesquels ils nous ont conduits eux-mêmes, nous leur avons fait tout le mal possible.

« Demandez-leur comment nous avons agi avec eux : il y en a ici que, par amitié, la ville nous a donnés pour guides. Seulement partout où, lors de notre arrivée, nous ne trouvons point de marché, que le pays soit grec ou barbare, nous prenons ce qu’il nous faut, non par licence, mais par nécessité. Nous avons fait la guerre aux Carduques, aux Chaldéens, aux Taoques, qui ne sont pas sujets du roi, mais des peuples redoutables : nous en avons fait des ennemis. Pourquoi ? par la nécessité de prendre des vivres, puisqu’ils ne voulaient pas nous en vendre. Les Macrons, au contraire, nation barbare, nous en ayant fourni à prix d’argent, comme ils ont pu, nous les avons considérés comme amis, et n’avons rien pris chez eux par violence. Si nous avons pris quelque chose chez les Cotyorites, que vous dites dépendre de vous, ils en sont eux-mêmes responsables. Ils ne se sont pas conduits avec nous en amis : ils ont fermé leurs portes et ont refusé de nous recevoir chez eux et de rien nous vendre hors des murs’, puis ils sont venus auprès de nous accuser leur harmoste d’en être la cause.

« Quant à ce que tu dis que nous sommes entrés de force dans les logements, nous avons demandé qu’on donnât un abri aux malades ; et, comme on n’ouvrait pas les portes, afin de nous recevoir, nous sommes entrés dans la place sans autre violence : là, nos malades trouvent un abri et nous en soldons la dépense ; seulement nous gardons les portes, afin que nos malades ne soient pas sous la dépendance de votre harmoste, et que nous puissions les transporter quand nous le voudrons. Les autres, vous le voyez, couchent en plein air et en bon ordre, toujours prêts à rendre service pour service, insulte pour insulte. Tu nous menaces et tu dis que, si bon vous semble, vous aurez pour alliés contre nous Corylas et les Paphlagoniens. Eh bien ! nous, si nous y sommes contraints, nous