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méritait de notre cité plutôt des honneurs que la mort : et, si l’on examine le fait d’après les lois, on sera de cet avis. D’après les lois, quiconque est pris à voler, à dérober des habits, à couper des bourses, à percer des murs, à asservir des hommes, à piller des temples, est passible de la peine de mort : tous crimes dont Socrate s’est abstenu plus que personne. Jamais il n’est arrivé à la république d’échec à la guerre, de sédition, de trahison, ou tout autre mal qui lui fût imputable : jamais particulier ne fut dépouillé par lui de ses biens, ou plongé dans le malheur : non, jamais il ne fut accusé de rien de semblable. Comment donc pourrait-il être mis en jugement, lui qui, loin de prétendre qu’il n’y a pas de dieux, comme le porte l’acte d’accusation, s’est déjà montré plus que personne plein de respect pour les dieux ; loin de corrompre les jeunes gens, comme l’accusation le lui reproche, détruisait, aux yeux de tous, les mauvaises passions de ses disciples, et cherchait à leur inspirer l’amour de cette vertu si belle et si sublime qui a fait fleurir les cités et les maisons : en agissant ainsi, comment n’a-t-il pas mérité le plus grand honneur dans sa patrie ?


CHAPITRE III.


La vie de Socrate a été consacrée tout entière à la pratique et à l’exemple du bien. Plein de respect envers les dieux, il a toujours aussi fait preuve de tempérance.


Comment Socrate me paraissait rendre service à ses disciples, soit en se montrant dans la pratique tel qu’il était réellement, soit en conversant avec eux, c’est ce que je vais écrire en recueillant de mon mieux mes souvenirs. Pour ce qui regarde les dieux, on le voyait, dans sa conduite et ses paroles, se conformer aux réponses que fait la Pythie à ceux qui lui demandent de quelle manière il faut agir au sujet des sacrifices, des honneurs à rendre aux ancêtres, ou tout autre objet de cette nature. La Pythie déclare par un oracle que quiconque agit sur ce point conformément aux lois de la patrie agit pieusement. Or, Socrate agissait ainsi et engageait les autres à faire de même, regardant tous ceux qui tenaient une conduite différente comme des hommes étranges et insensés. Il demandait simplement aux dieux de lui accorder les biens,