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philosophe, historien, capitaine, s’il ne brille au premier rang ni dans la philosophie, ni dans l’histoire, ni dans les armes, du moins l’harmonie qui préside au développement complet de son heureuse nature, je ne sais quel heureux mélange de génie à la fois aimable et sévère, simple et réfléchi, paisible et solide, idéaliste et pratique, lui assurent une gloire modeste et pure au milieu des grands hommes qu’a produits la civilisation grecque. Il mérite aussi une place à part, grâce aux charmes d’un style que les critiques les plus judicieux de l’antiquité et du temps présent se sont accordés à louer, presque sans restriction. Denys d’Halicarnasse, Dion Chrysostome, Lucien, Longin, Hermogène, parmi les Grecs ; Cicéron et Quintilien, parmi les Latins ; l’abbé Barthélemy, Sainte-Croix et Thomas, parmi les Français, ont tous vanté la douceur de sa diction, qu’ils comparent à celle du miel, la suavité de son langage, qu’ils disent pétri par les Grâces elles-mêmes, toutes les qualités enfin qui lui ont valu le nom d’Abeille attique. Hermogène, pénétrant davantage dans les détails de son style, se plaît à faire ressortir la sobriété élégante, la chaleur tempérée, le choix délicat d’images, l’habile tempérament de piquant et de doux, d’ingénieux et de naïf, et, par-dessus tout, la pureté et la correction parfaites, qui en composent le caractère. Il ne lui reproche que d’user en divers passages d’expressions empruntées à la poésie, et qu’un goût plus sévère aurait dû bannir de la contexture d’une prose, d’ailleurs si limpide et si douce.

Nous ne pouvons rien ajouter à de tels éloges : la pratique journalière de Xénophon nous en a fait sentir toute la justesse. Cependant nous ne croyons pas inutile d’appeler l’attention des lecteurs sur une observation particulière que nous a suggérée une étude assidue, minutieuse, patiente de notre auteur. Ami de la simplicité, de ces jets naïfs et spontanés de la pensée, que Montaigne appelle de « braves formes de s’exprimer, » jamais Xénophon, sauf des exceptions très-rares, n’accorde rien à la parure, aux fleurs du langage. Chez lui, pas un seul effet de style, pas un trait décoché à la fin d’une phrase, pour faire im-