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cune ville ne se déclare pour lui, et que le temps se passe, il juge qu’il faut agir ; autrement, au lieu de la gloire passée, il n’aura plus qu’une grande honte.

Ayant donc appris que les ennemis se sont fortifiés aux environs de Mantinée et ont envoyé chercher Agésilas et tous les Lacédémoniens, informé, en outre, qu’Agésilas est en campagne et se trouve déjà à Pellène, il fait souper ses troupes, donne l’ordre du départ et marche droit sur Sparte. Si un Crétois, par une inspiration d’en haut, n’était venu annoncer à Agésilas l’approche de l’armée, Épaminondas aurait pris, comme un nid, la ville entièrement dégarnie de défenseurs. Mais Agésilas, informé à temps de ce coup de main, arrive avant lui à la ville, et les Spartiates s’en partagent les différents postes, bien qu’ils soient en petit nombre, leur cavalerie se trouvant en Arcadie ainsi que leurs troupes étrangères et trois des douze loches. Quand Épaminondas est arrivé à la ville de Sparte, il évite d’entrer dans les endroits où les troupes auraient dû combattre à plat, sous les traits partant des maisons, et où le nombre ne donnait aucune supériorité sur des gens moins nombreux. Mais il s’empare d’une position qu’il croit avantageuse, et, au lieu d’attaquer en montant, il marche contre la ville en partant d’une hauteur. Dans ce qui arriva ensuite on peut bien voir l’intervention d’un dieu, mais on peut dire aussi que rien ne peut résister à des désespérés. En effet, quand Archidamus arrive avec moins de cent hommes, et que, après un trajet réputé fort difficile, il marche droit sur les ennemis, voici que ces troupes, qui vomissaient le feu, ces vainqueurs des Lacédémoniens, ces hommes supérieurs en nombre et favorisés par le terrain, plient sans soutenir le choc d’Archidamus. Les premiers rangs d’Épaminondas tombent. Mais comme ceux de Sparte, fiers de leur victoire, continuent la poursuite plus loin qu’ils n’auraient dû, ils tombent à leur tour. Il était écrit, sans doute, par une main divine, jusqu’à quelle limite la victoire leur était accordée.

Archidamus élève donc un trophée à l’endroit où il avait été vainqueur, et rend, sous la foi d’une trêve, les ennemis tombés à cette place. De son côté, Épaminondas, prévoyant que les Arcadiens viendront au secours des Lacédémoniens, ne veut point avoir affaire avec eux et avec tous les Lacédémoniens réunis, surtout au moment où les ennemis viennent de remporter un succès, et ses troupes d’essuyer un revers. Il retourne donc au plus vite à Tégée, où il laisse reposer ses