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promptement, marchent contre chacune des villes isolément, y rentrent, grâce à leur nombre, et les retiennent sous leur dépendance. Une fois rétablis, ils n’observent plus la neutralité, mais ils soutiennent vigoureusement les Lacédémoniens ; de sorte que les Arcadiens sont pressés d’un côté par les Lacédémoniens, de l’autre par les Achéens.

À Sicyone, cependant, le gouvernement s’était conservé suivant les anciennes lois ; mais Euphron, qui, sous les Lacédémoniens, était le citoyen le plus puissant, veut conserver son rang sous leurs adversaires. Il dit donc aux Argiens et aux Arcadiens que, si le parti des riches conserve le gouvernement de Sicyone, il est clair qu’à la première occasion la ville se déclarera de nouveau pour les Lacédémoniens. « Sachez, au contraire, dit-il, que, si la démocratie s’établit, la ville vous restera pour toujours. Si donc vous me secondez, je me charge, moi, de convoquer le peuple, et je vous donnerai à la fois cette garantie de ma fidélité et une alliée solide de votre ville. Ce qui me fait agir ainsi, ajoute-t-il, sachez-le bien, c’est que, comme vous, j’étais las depuis longtemps de l’orgueil des Lacédémoniens, et que j’échapperais volontiers à la servitude. » Les Arcadiens et les Argiens l’entendent avec plaisir et se rendent auprès de lui. Euphron aussitôt, profitant de la présence des Arcadiens et des Argiens, convoque le peuple à l’agora pour lui déclarer que désormais le gouvernement sera fondé sur l’égalité la plus parfaite. Dès que les citoyens sont réunis, il les engage à se choisir les stratèges qu’ils veulent. On élit donc Euphron lui-même, Hippodamus, Cléandre, Acrise et Lysandre. Cela fait, Euphron met son fils Adéas à la tête des mercenaires, après en avoir ôté le commandement à Lysimène, qui l’avait auparavant. Ensuite il s’assure, par des bienfaits, quelques-uns des mercenaires, puis il en enrôle d’autres, sans ménager pour cela le trésor public ni les fonds sacrés. Il emploie également à ses desseins la fortune de ceux qu’il exile pour attachement aux Lacédémoniens, fait périr par ruse ou exile tous ses collègues, réduit ainsi tout sous son pouvoir, et devient un vrai tyran. Afin d’obtenir l’assentiment des alliés, il leur prodigue son argent, ses biens, il les accompagne avec ses mercenaires dans toutes leurs expéditions.