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pour stratége. Les sacrifices achevés, Iphicrate ordonne que l’on prenne le repas dans l’Académie, et plusieurs, dit-on, sortent avant lui. Ensuite il se met à la tête de ses troupes, qui marchent avec l’espoir d’être conduites à quelque action glorieuse ; mais arrivé à Corinthe, il y reste quelques jours, et les soldats commencent à lui reprocher cette perte de temps ; cependant, lorsqu’il les fait enfin sortir de la ville, ils sont pleins d’ardeur à le suivre partout où il voudra les mener, pleins d’ardeur à attaquer cette muraille contre laquelle il les conduit.

Quant à Lacédémone, les ennemis qui en dévastaient le territoire, Arcadiens, Argiens et Éléens, ses voisins de frontière, étaient partis en grand nombre, emmenant ou emportant le butin qu’ils avaient fait, Les Thébains et le reste des ennemis veulent quitter le pays, et parce qu’ils voient l’armée diminuer tous les jours, et parce que les vivres deviennent de plus en plus rares : en effet, tout avait été consommé, enlevé, dilapidé ou brûlé. À cela se joignait la présence de l’hiver, ce qui faisait que tout le monde voulait partir. Lorsque ces troupes s’éloignèrent de Lacédémone, Iphicrate ramena également ses Athéniens de l’Arcadie à Corinthe. Je ne prétends point blâmer ce qu’il peut avoir fait de bien pendant son commandement ; mais, pour ce qui est de sa conduite à cette époque, je trouve que toutes ses actions furent imprudentes ou inutiles. En effet, il entreprend de garder le mont Onée[1], pour empêcher les Béotiens de s’en retourner chez eux, et il laisse libre le plus beau passage près de Cenchrées. Puis, voulant savoir si les Thébains ont passé le mont Onée, il envoie en reconnaissance la cavalerie athénienne et tous les Corinthiens. Et cependant un petit nombre d’hommes peuvent aussi bien voir qu’un grand nombre ; et, dans le cas d’une retraite, il est beaucoup plus facile à des troupes peu nombreuses de trouver un chemin facile et de se retirer tranquillement. Mais n’est-ce pas le comble de la folie que de faire avancer beaucoup de troupes, quand elles sont trop faibles, contre l’ennemi ? Or, ces cavaliers, dont la ligne occupait un large espace, à cause de leur nombre, rencontrèrent, quand il fallut battre en retraite, beaucoup de passages difficiles, de sorte qu’ils perdirent au moins une vingtaine d’hommes. Pour les Thébains, ils se retirèrent comme ils voulurent.



  1. Chaîne de montagnes qui s’étend des roches scironiennes au mont Cithéron.