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ver et l’emporter vivant, si ceux qui combattaient autour de lui n’avaient pas eu l’avantage dans le moment. Mais lorsque le polémarque Dinon eut été tué, ainsi que Sphodrias, un des commensaux du roi, et son fils Cléonyme, la cavalerie, et ceux qu’on nomme symphores du polémarque, aussi bien que tous les autres, ne purent plus tenir contre le nombre et commencèrent à céder : les troupes lacédémoniennes de l’aile gauche, voyant la droite enfermée, plièrent aussi. Malgré le nombre des morts et leur défaite, les Lacédémoniens, après avoir passé le fossé qui se trouvait en avant de leur camp, viennent se placer sous les armes à l’endroit d’où ils sont partis ; le camp n’était pas complétement en plaine, mais s’élevait quelque peu en montant. Il y eut alors quelques Lacédémoniens qui, croyant qu’on ne pouvait supporter un tel revers, dirent qu’il fallait empêcher l’ennemi d’ériger un trophée, et essayer d’enlever les morts par la force des armes, sans recourir à une trêve. Mais les polémarques, voyant que près de mille Lacédémoniens ont déjà succombé, et que les Spartiates eux-mêmes, qui se trouvaient à l’armée au nombre de sept cents, avaient perdu environ quatre cents hommes, sentant d’ailleurs que tous les alliés étaient sans courage pour combattre, et que quelques-uns même n’étaient point fâchés de la tournure des événements, rassemblent les principaux chefs pour délibérer sur ce qu’il faut faire. Tous ayant été d’avis de réclamer une trêve pour relever les morts, ils envoient un héraut la demander. Les Thébains dressent ensuite un trophée et accordent une trêve pour relever les morts.

Après ces événements, le messager qui apporte à Lacédémone la nouvelle de ce désastre, y arrive le dernier jour des Gymnopédies[1], au moment où le chœur des hommes était dans le théâtre. Les éphores, en apprenant ce désastre, en furent nécessairement affligés, du moins je le présume. Cependant ils ne renvoyèrent point le chœur et laissèrent achever les jeux. Ils donnèrent ensuite les noms des morts à chacun de leurs parents, en recommandant aux femmes de ne pas faire de cris, mais de supporter leur malheur en silence. Le lendemain, on put voir les parents de ceux qui étaient morts paraître en public, gais et joyeux, tandis que les parents de ceux qu’on avait annoncés survivre ne se montrèrent qu’en petit nombre, l’air morne et humilié.

  1. Voy. Lucien, De la danse, 12.