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de la mer et vient se camper à Leuctres, sur le territoire de Thespies. Les Thébains, qui n’avaient d’autres alliés que les Béotiens, placent leur camp sur une colline située vis-à-vis, à peu de distance. Alors les amis de Cléombrote l’abordent en lui disant : « Cléombrote, si tu laisses les Thébains se retirer sans combat, tu risques d’être traité avec la dernière rigueur par notre cité : car on se rappellera que, lorsque tu vins à Cynoscéphales, tu ne ravageas aucune partie du pays des Thébains, et que, dans une expédition suivante, tu fus arrêté au passage, tandis qu’Agésilas a toujours pénétré dans leur pays par le Cithéron. Si donc tu consultes ton propre intérêt, ou que tu veuilles le bien de ta patrie, il faut te montrer contre ces gens. » Voilà ce que disaient ses amis. Ses ennemis disaient : « C’est donc maintenant que cet homme fera voir s’il favorise réellement les Thébains, comme on le dit. » Cléombrote, en entendant tout cela, se sentait excité à engager la bataille.

De leur côté, les chefs des Thébains réfléchissent que, s’ils ne livrent pas bataille, les villes voisines de Thèbes quitteront la partie, qu’ils seront eux-mêmes assiégés, puisque, dans le cas où le peuple de Thèbes viendrait à manquer de vivres, ils risquaient de voir aussi la ville leur devenir contraire ; et, comme plusieurs d’entre eux avaient été exilés auparavant, ils trouvent qu’il vaut mieux mourir en combattant que de subir un nouvel exil. À cela vient se joindre une certaine confiance que leur inspire un oracle connu, d’après lequel les Lacédémoniens devaient essuyer une défaite à l’endroit où se trouvait la tombe des jeunes filles qui, dit-on, s’étaient donné la mort par suite de la violence que leur avaient faite quelques Lacédémoniens[1]. Aussi les Thébains avaient-ils décoré ce monument avant le combat. On leur annonce également de la ville que tous les temples se sont ouverts d’eux-mêmes et que les prêtresses déclarent que les dieux promettent une victoire. On dit aussi que les vases du temple d’Hercule sont dispersés, ce qui signifie que Hercule est parti pour le combat. Quelques-uns prétendent, il est vrai, que tout cela n’était que des artifices de l’autorité supérieure[2].

Ainsi tout, pour cette bataille, était contraire aux Lacédémoniens, tandis que la fortune avait tout disposé en faveur de leurs adversaires. En effet, c’était après déjeuner que Cléom-

  1. Ces deux jeunes filles se nommaient Molpia et Hippo. Voy. Pausanias, IX, xiii.
  2. Notamment d’Épaminondas. Voy. Diodore de Sicile, XV, liii.