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sait partir, à un signal donné, à qui arriverait le premier. C’était un grand prix de la victoire que de pouvoir les premiers faire la provision d’eau et de tout ce dont on pouvait avoir besoin, et de prendre les premiers leur repas. Les derniers arrivés, au contraire, subissaient un grand châtiment, puisqu’ils avaient à faire tout cela après les autres, et qu’ils devaient cependant repartir en même temps quand on donnait le signal. Les premiers arrivés pouvaient faire toute leur besogne à loisir, les autres devaient la faire en toute hâte. Quand on se trouvait en pays ennemi, pour prendre un repas, Iphicrate établissait des sentinelles sur terre, comme il est d’usage ; mais, en outre, il faisait dresser les mâts des navires, et plaçait au haut des vigies, qui, postées ainsi sur un endroit plus élevé, avaient une vue beaucoup plus étendue que les sentinelles de la plaine. Quand il soupait ou dormait quelque part, il n’allumait point de feux durant la nuit, mais il en faisait en avant de l’armée, afin que personne ne pût arriver inaperçu. Souvent, lorsque le temps était beau, il se remettait en mer aussitôt après avoir soupé, et, quand la brise était favorable, ils avançaient tout en se reposant ; mais, dès qu’il fallait user de la rame, il faisait reposer ses soldats à tour de rôle. Durant le jour, il conduisait sa flotte par des signaux, et la disposait tantôt par file, tantôt en phalange. De cette manière, tout en avançant, ses troupes s’étaient exercées dans toutes les manœuvres d’un combat naval, et arrivaient, parfaitement instruites, dans les mers que l’on croyait occupées par les ennemis. La plupart du temps on dînait et soupait en pays ennemi ; mais, comme on ne s’arrêtait que le temps nécessaire, on regagnait le large avant l’arrivée des ennemis, et l’on avançait ainsi avec vitesse.

Lors de la mort de Mnasippe, Iphicrate se trouvait aux environs de Sphagie en Laconie : arrivé en Élide, il passe l’embouchure de l’Alphée, et va jeter l’ancre sous le promontoire nommé Ichthys. Le lendemain, il part de là pour Céphallénie. Il avait sa flotte en ordre de bataille, et il ne négligea, pendant le trajet, aucune précaution pour être tout prêt à combattre au besoin. Car il n’avait eu aucun rapport oculaire au sujet de Mnasippe, et, soupçonnant que ces traits étaient pour le tromper, il se tient sur ses gardes. Mais cependant, arrivé à Céphallénie, il a des nouvelles positives et fait reposer son armée.

Je sais bien qu’on prend d’ordinaire toutes ces mesures et