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lité d’harmoste avec le tiers du contingent de chaque État allié. Il lui remet aussi tout l’argent apporté de la patrie et lui ordonne de recruter des mercenaires. Sphodrias exécute ses ordres ; après quoi Cléombrote prend la route de Creusis et ramène dans leurs foyers ses troupes, embarrassées de savoir si l’on était en guerre ou en paix avec les Thébains. Il est de fait qu’il avait conduit son armée sur le territoire de Thèbes, et qu’il en revenait après l’avoir ravagé le moins possible. À son retour, il fut assailli par un vent terrible, que quelques-uns interprétèrent comme un présage pour l’avenir. Ce vent, qui produisit beaucoup d’autres effets extraordinaires, surprit l’armée partie de Creusis, au moment où elle passait l’endroit près duquel la montagne longe la mer ; il y précipita beaucoup d’ânes avec leurs bagages, et fit voler dans la mer beaucoup d’armes arrachées aux soldats. À la fin, plusieurs d’entre eux, ne pouvant plus marcher avec leurs armes, laissèrent çà et là, sur le sommet de la montagne, leurs boucliers renversés, qu’ils eurent soin de remplir de pierres. Ils prirent alors, comme ils purent, leur repas à Égosthènes en Mégaride. Le lendemain ils revinrent chercher leurs armes. Cela fait, chacun s’en retourna, les troupes ayant été licenciées par Cléombrote.

Les Athéniens, considérant la puissance de Lacédémone, et voyant que le théâtre de la guerre n’est plus à Corinthe, mais que déjà les Lacédémoniens passent à côté de l’Attique pour envahir Thèbes, en conçoivent une crainte si grande, qu’ils citent en jugement les deux stratéges coupables de la révolte de Mélon contre Léontiade et son parti. L’un d’eux est mis à mort, et l’autre, qui n’avait point attendu sa sentence, condamné à l’exil.

De leur côté, les Thébains, redoutant leur faiblesse, s’ils étaient seuls à faire la guerre aux Lacédémoniens, recourent au moyen suivant. Ils persuadent à force d’argent l’harmoste de Thespies, Sphodrias, de faire mine d’envahir l’Attique, pour amener par là une rupture entre les Athéniens et les Lacédémoniens. Sphodrias, docile à ces instructions, feint de vouloir s’emparer du Pirée, qui n’avait plus de portes. Il part le matin de Thespies avec ses soldats, après leur avoir fait prendre leur repas, et disant qu’il veut atteindre le Pirée avant le jour. Mais le jour le surprend à Thria ; et là il ne cherche point à cacher sa route ; mais, prenant une autre direction, il enlève les troupeaux et pille les maisons. Quelques-uns de ceux qui l’avaient rencontré de nuit s’étaient enfuis à Athènes, et avaient an-