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point désagréable de les manger tout crus. On lui demande encore : « Mais comment comptiez-vous vous procurer des armes ? » Il répond : « Les chefs de notre conspiration disaient : « Nous avons des armes. » Quant aux armes de la foule, il raconte que Cinadon l’a conduit au marché au fer, lui a montré une quantité de glaives, d’épées, de broches, de cognées, de haches et de faux, et lui a dit que tous les instruments dont les hommes se servent pour travailler la terre, le bois et la pierre, sont autant d’armes, et que la plupart des autres métiers ont, dans leurs outils, des armes suffisantes, surtout contre des gens désarmés. On lui demande enfin à quel moment doit éclater le complot ; il dit qu’on lui a recommandé de ne pas s’éloigner de la ville. À ce récit, les éphores, comprenant qu’il y a là un plan bien arrêté, sont frappés d’épouvante. Aussitôt, sans même convoquer ce qu’on appelle la petite assemblée, ils réunissent à la hâte quelques-uns des vieillards, et décident d’envoyer Cinadon à Aulon, en compagnie d’autres jeunes gens, avec ordre de ramener quelques Aulonites et quelques Hilotes, dont les noms sont inscrits dans la scytale. Ils lui donnent aussi l’ordre d’amener une femme de cette ville, qu’on disait fort belle, mais qu’on accusait d’avoir débauché tous les Lacédémoniens, jeunes et vieux, qui étaient venus à Aulon. Cinadon avait été déjà chargé par les éphores de missions semblables. Cette fois, ils lui donnent la scytale dans laquelle sont désignés ceux dont il doit se saisir. Il demande quels jeunes gens il doit emmener avec lui : « Va, lui dit-on, vers le plus âgé des hippagrètes[1], et prie-le de te donner six ou sept de ceux qui se trouveront présents. » On avait eu soin de faire savoir à l’hippagrète ceux qu’il devait lui donner, et ceux-ci avaient reçu les instructions nécessaires pour se saisir de Cinadon. On dit aussi à Cinadon qu’on envoie avec lui trois chars, afin que les prisonniers ne reviennent pas à pied, et l’on cherche ainsi à cacher le mieux possible le but unique pour lequel on l’envoyait. On ne se saisit point de lui dans la ville, parce qu’on ne connaissait pas l’étendue de la conjuration, et qu’on voulait savoir de Cinadon quels étaient ses complices, avant que ceux-ci eussent appris qu’ils étaient dénoncés et qu’ils prissent la fuite. Ceux qui avaient mission de l’arrêter devaient le garder, s’informer

  1. Nom de trois magistrats chargés de surveiller les exercices des jeunes gens. Voy. Gouvernement des Lacédémoniens, iv.