Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 1.djvu/478

Cette page a été validée par deux contributeurs.

murs d’Atamé et en fait le siége. Il s’en empare au bout de huit mois, et y établit Dracon de Pellène comme gouverneur. Quand il a rempli cette place de provisions de toute espèce, afin de s’y faire un pied-à-terre quand il y viendrait, il se rend à Éphèse, qui est à trois journées de marche de Sardes.

Jusque-là Tissapherne et Dercyllidas, ainsi que les barbares et les Grecs de ces contrées, avaient vécu en paix. Mais, sur ces entrefaites, il arrive à Lacédémone des députés des villes grecques, annonçant qu’il est au pouvoir de Tissapherne de rendre, s’il le veut, les Grecs d’Asie indépendants, et que, si l’on veut ravager la Carie, où Tissapherne a sa résidence, c’est, selon eux, le moyen le plus prompt de l’amener à reconnaître leur indépendance. Sur cet avis, les éphores envoient à Dercyllidas l’ordre de marcher contre la Carie avec son armée, et au navarque Pharax, celui de longer la côte avec ses vaisseaux. Tous deux exécutent ces ordres. Il se trouvait alors que Pharnabaze s’était rendu auprès de Tissapherne, tant parce que Tissapherne avait été nommé chef de toutes les troupes, que dans le dessein de lui assurer qu’il était prêt à faire la guerre commune et à s’unir à lui pour chasser les Grecs du pays du roi. Du reste, il était jaloux du commandement de Tissapherne, et il ne pouvait surtout se consoler de la perte de l’Éolie. Tissapherne, après avoir entendu ses propositions : « Commence, dit-il, par passer avec moi en Carie, et ensuite nous ferons nos plans. » Arrivés en Carie, ils se décident à retourner en Ionie, après avoir mis dans les forteresses des garnisons suffisantes. Dercyllidas, informé qu’ils ont passé de nouveau le Méandre, exprime à Pharax sa crainte que Pharnabaze et Tissapherne ne pillent et ne ravagent le pays dégarni qu’ils ont à parcourir, et il passe lui-même le fleuve. Les deux chefs grecs étaient en marche, suivis de l’armée en désordre, vu qu’on croyait les ennemis en route pour Éphèse ; quand tout à coup ils aperçoivent des sentinelles sur des buttes tumulaires[1] ; ils gravissent aussi sur les buttes et sur quelques tours qui se trouvaient de leur côté, et aperçoivent en bataille, sur la route qu’ils doivent suivre eux-mêmes, des Tyriens aux boucliers blancs, toute l’armée perse qui se trouvait dans ces contrées, les troupes grecques à la solde des deux satrapes, et une ca-

  1. C’est ainsi, je crois, qu’il faut entendre μνημεῖα. C’étaient des espèces de tombelles, de tumulus, comme les barrows et les galgals de l’Armorique. Cf. plus loin, livre VI, chap. ii.