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étaient rangés des cavaliers, et tous ceux qui sortaient étaient chargés de liens par des valets. Lorsque tous s’y trouvent réunis, Lysimaque, chef des cavaliers, reçoit ordre de les emmener et de les livrer aux Onze.

Le lendemain, ils convoquent à l’Odéon[1] les hoplites dont les noms sont sur la liste, et les autres cavaliers. Critias se lève et dit : « Citoyens, nous cherchons à affermir le gouvernement, aussi bien dans votre intérêt que dans le nôtre. Vous devez donc, si vous avez part aux honneurs, partager aussi les dangers. Il faut, par suite, prononcer la condamnation des Éleusiniens rassemblés ici, afin que vous ayez nos espérances et nos craintes. » Il leur montre alors une place où il leur ordonne de déposer leur suffrage à découvert. La garde lacédémonienne était toute en armes au milieu de l’Odéon. Or, il se trouva des approbateurs parmi les citoyens qui ne cherchaient en tout cela que leur intérêt personnel.

Sur ce point, Thrasybule, prenant avec lui les gens de Phylé, dont le nombre atteignait déjà mille, arrive de nuit au Pirée. Dès que les Trente en ont reçu la nouvelle, ils font prendre les armes aux troupes lacédémoniennes, à la cavalerie et aux hoplites, et se portent sur la grande route aux chariots qui conduit au Pirée. Ceux de Phylé essayent d’abord de les repousser ; mais, comme l’étendue de l’enceinte paraissait exiger une nombreuse garde, et qu’ils étaient encore peu nombreux, ils se retirent tous à Munychie. Ceux de la ville viennent se ranger sur la place d’Hippodamus, de manière à remplir la route qui conduit au temple de Diane de Munychie et au Bendidéon[2] : ils n’avaient pas moins de cinquante boucliers de profondeur. Ainsi formés, ils se mettent à monter ; mais alors ceux de Phylé remplissent aussi la route de leur côté et se mettent sur dix hoplites de profondeur seulement ; derrière, venaient les peltastes et les archers, armés à la légère, puis les frondeurs. Leur nombre s’était sensiblement accru, car il s’était joint à eus des gens de l’endroit même. Tandis que l’ennemi approche, Thrasybule ordonne aux siens de déposer leurs boucliers ; lui-même il dépose le sien, tout en gardant ses autres armes, puis il se place au milieu de ses troupes et leur adresse ces paroles : « Citoyens, je veux apprendre aux

  1. Un des théâtres d’Athènes, y compris l’emplacement qui s’étendait alentour.
  2. Temple de Bendis, la même que la Lune. Voy. le mot Bendis dans le Dict. de Jacobi.