Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 1.djvu/353

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.



CHAPITRE X.


Du cheval de guerre ; de la beauté des allures et de la mise en main.


Si l’on veut avoir un cheval de guerre qui ait de belles allures et qui se fasse regarder, il ne faut pas lui lever la tête en même temps qu’on l’actionne du fouet et de l’éperon[1] : beaucoup de gens croient lui donner ainsi du brillant, mais il arrive à ces gens-là le contraire de ce qu’ils veulent. En effet, en lui relevant trop la tête, on empêche le cheval de voir devant soi, on le rend aveugle ; en l’éperonnant et en le fouettant, on l’effraye au point qu’il se trouble et vous met en danger : or, c’est justement ce qui arrive aux chevaux qui se plient avec le plus de peine aux exercices du manége, et qui s’y comportent mal, au lieu de s’y distinguer. Mais si l’on apprend à un cheval à manœuvrer à brides lâches, et à relever le cou en ramenant la tête, on lui fera faire ainsi ce qui lui plaît et ce qui le flatte. La preuve qu’il y prend plaisir, c’est que, lorsqu’il approche d’une troupe de chevaux et surtout de juments, il relève le cou et ramène la tête avec fierté, lève les jambes avec souplesse, et porte la queue haute. Si donc on exige de lui l’habitude qui lui donne le meilleur air, on se créera un cheval heureux de sa prestance, superbe, brillant, regardé.

Comment croyons-nous qu’on y arrive, nous allons essayer de le dire. D’abord il faut avoir toujours deux embouchures, jamais moins. L’une sera lisse, avec des olives d’une bonne grandeur ; l’autre aura des olives lourdes et étroites, avec des cannelures coupantes. Si le cheval vient à saisir celle-ci, sa dureté le rebutera et la lui fera lâcher, tandis que, s’il prend la première, il s’y plaira, à cause de sa douceur, et exécutera avec le mors doux ce qu’il aura appris avec le dur. Toutefois il peut en venir à braver l’embouchure douce et à peser dessus ; c’est pour cela que nous avons mis de grandes olives à l’embouchure douce, afin de le forcer à ouvrir la bouche et à lâcher le fer.

On peut d’ailleurs corriger autant qu’on veut la dureté du

  1. Cette recommandation est une idée lumineuse qui conduit à la mise en main. L. B.