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corps, les pieds sont le premier objet à considérer. En effet, de même qu’une maison ne sera d’aucune utilité, quelle que soit la beauté des étages supérieurs, si les fondations ne sont pas construites comme il faut, ainsi un cheval de guerre ne servira de rien, fût-il bon pour tout le reste, s’il a de mauvais pieds ; ce vice rend inutiles les autres qualités. Pour juger du pied, il faut d’abord examiner la corne. Épaisse, le cheval aura de meilleurs pieds que si elle est mince. Ensuite, il ne faut pas oublier de voir si le sabot est haut en avant comme en arrière, ou bien s’il est bas : haut, il éloigne de terre la partie appelée la sole ; bas, le cheval appuierait également sur les parties dures et sur les parties molles du pied, comme les hommes cagneux. Simon dit que les chevaux qui ont de bonnes jambes se reconnaissent au bruit de leur marche ; il a raison : un sabot bien évidé résonoe sur le sol comme une cymbale.

Puisque nous avons commencé d’en bas, nous allons suivre en remontant le reste du corps. Il faut que les os[1] qui sont au-dessus de la corne et au-dessous du boulet ne soient point droits comme ceux d’une chèvre ; ce qui provoque des réactions trop dures pour le cavalier et des inflammations aux jambes ainsi faites ; mais il ne faut pas non plus que ces os soient inclinés, parce que le boulet perdrait ses poils et s’écorcherait, quand on lancerait le cheval dans les terres labourées ou dans les endroits pierreux.

Les canons[2] doivent être épais, vu qu’ils sont les colonnes du corps ; mais cette épaisseur ne doit provenir ni des veines, ni de la chair. Autrement, sur un terrain dur, ces parties se remplissent forcément de sang, il survient des varices, la jambe grossit, et la peau se détache ; or, souvent, quand ce relâchement arrive, le péroné[3] se déplace et rend le cheval boiteux.

Si, en marchant, le jeune cheval fléchit mollement le jarret, vous pouvez présumer que, sous le cavalier, il aura les jambes souples : car tous les chevaux, avec l’âge, fléchissent le genou avec plus de souplesse. On a raison, d’ailleurs, d’estimer les mouvements moelleux : un cheval qui les a bronche moins et

  1. Les paturons.
  2. Partie de la jambe comprise entre le boulet et le genou. C’est ce manque d’épaisseur qui produit ce qu’on nomme tendon failli, défaut ordinaire des chevaux fins. L. B.
  3. La cheville.