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danseuse une roue de potier, sur laquelle elle devait faire des tours merveilleux. « Syracusain, dit alors Socrate, j’ai bien peur de passer, comme tu dis, pour un vrai songe-creux : car je songe en ce moment par quel moyen ton garçon et cette fille pourraient se livrer à des exercices faciles et nous causer une joie vive à nous autres spectateurs ; et je suis bien sûr que c’est aussi ce que tu désires. Je trouve donc que faire la culbute à travers un cercle d’épées est un tour dangereux, et qui ne convient pas à un banquet. C’est encore une chose étonnante de lire et d’écrire en tournant sur une roue ; mais je ne vois pas quel plaisir peut donner un pareil spectacle. Il n’est pas plus agréable de voir de frais et jolis enfants se démener le corps à faire la roue que de les regarder tranquilles. D’ailleurs il n’est pas rare de voir du surprenant quand on en veut. Ainsi, nous avons là sous les yeux quelque chose de merveilleux : c’est cette lampe. Pourquoi sa flamme brillante répand-elle de la lumière, tandis que le cuivre[1], qui brille aussi, n’en donne point, et que les objets environnants s’y reflètent ? Comment l’huile, un liquide, augmente-t-elle la flamme, tandis que l’eau, autre liquide, éteint le feu ? Mais ce sont là des questions qui ne vont pas dans le vin. Si ces enfants prenaient des poses qui figurent les Grâces[2], les Heures ou les Nymphes, il me semble que l’exécution en serait plus facile et le banquet plus charmant. — Par ma foi, Socrate, dit le Syracusain, tu as raison et je vais vous faire voir un spectacle qui doit vous divertir. »



CHAPITRE VIII[3].


Discussion sur l’amour.


Le Syracusain sort pour tout disposer, et Socrate, commençant un nouveau discours : « Amis, dit-il, puisque nous sommes en présence d’un dieu puissant, égal en âge aux dieux éternels, qui a les traits d’un enfant, dont l’immensité embrasse

  1. Weiske croit qu’il s’agit là de quelque miroir d’airain ou de cuivre placé dans la salle du banquet.
  2. Zeune engage à comparer ce passage avec Horace, ode iv du livre I, et Hésiode, Théog., 909.
  3. Il faut comparer ce chapitre avec le Banquet de Platon, chap. viii, et le dialogue de Lucien intitulé les Amours, t. I, p. 536 de notre traduction.