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CHAPITRE III.


Chacun des convives loue ce qu’il préfère.


En ce moment, le jeune garçon ayant accordé la cithare sur la flûte, se met à jouer de son instrument et à chanter. Tout le monde applaudit. Alors Charmide : « Pour moi, mes amis, dit-il, je crois, comme Socrate à propos du vin, que ce mélange de jeunes sujets et de sons endort les chagrins et éveille l’amour. » Socrate, de son côté, reprenant la parole : « Il me semble, mes amis, dit-il, que ces gens sont en état de nous divertir ; mais je suis sûr que nous pensons valoir mieux qu’eux. Ne serait-il pas honteux, nous trouvant réunis, de ne pas essayer de nous être utiles aussi bien qu’agréables ? — Eh bien, s’écrient plusieurs des convives, indique-nous quels discours nous devons aborder qui produisent cet effet. — Pour ma part, dit Socrate, je désirerais fort que Callias nous tînt parole ; car il nous assurait que, si nous soupions ensemble, il nous donnerait un échantillon de son savoir. — Volontiers, pourvu que vous tous veniez mettre en commun ce que chacun sait de bon. — Il n’y a personne ici, répliqua Socrate, qui se refuse à dire ce qu’il croit le plus avantageux pour les autres. — Pour moi, reprit Callias, je vais vous faire part d’une connaissance que je prise fort : je me crois capable de rendre les hommes meilleurs. » Alors Antisthène : « Sera-ce en leur enseignant un art manuel ou la probité ? — Oui, si la probité fait partie de la justice. — Par Jupiter, dit Antisthène, c’est une vertu qui ne prête point à la controverse : quelquefois le courage et la prudence semblent nuisibles à nos amis et à l’État, mais la justice ne s’associe jamais à l’injustice[1]. — Lors donc, reprit Callias, que chacun de nous aura dit ce qu’il sait d’utile, moi aussi je me ferai un plaisir de vous révéler le secret de mon art et ce qu’il opère. Mais toi, Nicératus, dis-nous quelle est la science qui te rend fier. — Mon père, dit Nicératus, désirant que je devinsse honnête homme, m’a forcé à apprendre toutes les œuvres d’Homère, et je pourrais en ce moment vous réciter l’Iliade tout entière ainsi que l’Odyssée.

  1. Il y a dans tout ce passage quelque obscurité, probablement une lacune dans le texte.