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couper l’herbe, comme on chasse les frelons de la ruche. — Tu vois donc que nous avons raison d’user du sarcloir. — Tout à fait ; et je songe, Ischomachus, à l’avantage d’amener des comparaisons justes. Tu m’as bien plus mis en colère contre l’herbe en me parlant des frelons, que quand tu m’as parlé de l’herbe sans comparaison. »



CHAPITRE XVIII.


De la moisson, du battage et du van.


« Après cela, dis-je, il s’agit de moissonner. Apprends-moi ce que tu peux savoir là-dessus. — Oui, dit-il, à condition que je ne te trouverai pas aussi savant que moi. Tu sais donc qu’il faut couper le blé ? — Belle demande ! — Oui ; mais le coupe-t-on en se tenant sous le vent ou à contre-vent ? — Pas à contre-vent, lui dis-je : car, selon moi, les yeux et les mains ont à souffrir quand on moissonne en sens contraire de la paille et de l’épi. — Couperas-tu près de l’épi ou à fleur de terre ? — Si le brin est court, je couperais au pied, pour que la paille fût de grandeur suffisante : s’il est haut, je pense qu’il vaudrait mieux scier à mi-chaume, pour épargner un travail inutile aux batteurs et aux vanneurs. Quand au chaume qu’on laisse sur la terre, je crois qu’il la fertilise si on le brûle, et que, si on le jette au fumier, il augmente la masse d’engrais. — Tu le vois, Socrate, te voilà pris sur le fait, et tu en sais autant que moi sur la moisson. — J’en ai peur ; mais voyons si je sais aussi comment il faut battre. — Tu n’ignores pas, dit-il, que l’on se sert de bêtes d’attelage pour battre le grain ? — Comment ne le saurais-je pas ? Et l’on appelle indistinctement bêtes d’attelage les bœufs, les mulets, les chevaux. — Tu crois, n’est-ce pas, que ces animaux ne savent que fouler le grain sur lequel on les fait marcher ? — Quelle autre chose peux-tu espérer de ces bêtes ? — Mais, Socrate, qui veillera à ce qu’elles ne foulent que ce qui doit être foulé, et que le battage se fasse d’une manière égale ? — Il est évident que ce sont les batteurs[1]. — En retournant la paille, en mettant sous les pieds des animaux ce qui n’y a point encore passé, il est clair qu’ils auront un battage égal et promptement achevé. — Sous ce rapport, tes connaissances ne le cèdent point aux miennes.

  1. Littéralement les épalostes. On donnait ce nom a ceux qui étaient chargés de battre le grain en triturant les épis sous les pieds des chevaux.