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temps des semailles, as-tu, Socrate, une opinion particulière, ou crois-tu que la saison de semer est bien celle dont nos devanciers ont fait l’épreuve, celle que tous les cultivateurs d’aujourd’hui ont adoptée comme étant la meilleure ? Quand la saison d’automne est venue, tous les hommes ont les yeux tournés vers le ciel, et attendent que le dieu versant la pluie sur la terre leur permette d’ensemencer. — C’est un fait reconnu, Ischomachus, parmi tous les hommes, qu’il ne faut pas sciemment semer dans un terrain sec ; et l’on a vu nombre de gens punis par de grands dommages pour avoir fait leurs semailles avant l’ordre de la divinité[1]. — Ainsi, reprit Ischomachus, voilà un point sur lequel tous les hommes sont d’accord. — En effet, sur ce que la divinité enseigne, il n’y a point de partage. Par exemple, tous les hommes ensemble croient qu’il vaut mieux en hiver porter des vêtements épais, si l’on peut ; tous sont d’avis qu’il faut faire du feu, si l’on a du bois. — On diffère pourtant d’avis, Socrate, sur l’article des semailles ; on se demande quel est le moment le meilleur de la saison, le commencement, le milieu ou la fin. — Mais la divinité, repris-je, ne fixe pas invariablement le cours de l’année : une année il vaut mieux semer au commencement, une autre année au milieu, et telle autre à la fin. — Pour toi, Socrate, y a-t-il des époques que tu croies meilleures, et que l’on doive choisir quand on a peu ou beaucoup à semer ? ou bien faut-il commencer les semailles avec la saison et les continuer jusqu’à la fin ? — Je crois, Ischomachus, lui dis-je, que le plus avantageux est de semer aux trois époques. Je crois qu’il vaut bien mieux avoir chaque année une récolte suffisante que d’avoir tantôt abondance et tantôt disette. — Eh bien ! Socrate, te voilà encore, toi, mon disciple, de l’avis de ton maître, et même tu te prononces avant moi. — Mais y a-t-il, Ischomachus, repris-je, différents procédés pour jeter la semence ? — Voilà, Socrate, une chose qui mérite encore toute attention. Tu sais probablement que c’est avec la main qu’on doit jeter la semence ? — Oui, car je l’ai vu. — Les uns ont l’adresse de la jeter également, et les autres ne l’ont pas. — La main, repris-

  1. Cf. un passage curieux de Pline l’Ancien, XVIII, chap. xxv : « Sementibus tempora plerique prœsumunt et ab undecimo die autumnalis œquinoctii fruges serunt, adveniente Coronae exortu, continuis diebus certo prope imbrium promisso ; Xenophon, non ante quam deus signum dederit. Hoc Cicero novembris imbre fleri interpretatus est, quum sit vera ratio non prius serendi quam folia cœperint decidere. »